Page:Les Œuvres libres, numéro 5, 1921.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
115
JALOUSIE

comme une gale et qu’elle a mauvaise façon, elle sent bien que, quand elle ne sera plus belle, il ne lui restera rien du tout. »

J’avais mis mon pardessus, ce que M. de Guermantes qui craignait les refroidissements blâma, tout en descendant avec moi, à cause de la chaleur qu’il faisait. Et la génération de nobles qui a plus ou moins passé par monseigneur Dupanloup parle un si mauvais français (excepté les Castellane), que le Duc exprima ainsi sa pensée : « Il vaut mieux ne pas être couvert avant d’aller dehors, du moins en thèse générale. » Je revois toute cette sortie, je revois, si ce n’est pas à tort que je le place sur cet escalier, portrait détaché de son cadre, le prince de Sagan duquel ce dut être la dernière soirée mondaine, se découvrant pour présenter ses hommages à la Duchesse, avec une si ample révolution du chapeau haut de forme dans sa main gantée de blanc, qui répondait au gardénia de la boutonnière, qu’on s’étonnait que ce ne fût pas un feutre à plume de l’ancien régime duquel plusieurs visages ancestraux étaient exactement reproduits dans celui de ce grand seigneur. Il ne resta qu’un peu de temps auprès d’elle, mais ses poses même d’un instant suffisaient à composer tout un tableau vivant et comme une scène d’histoire. D’ailleurs comme il est mort depuis, et que je ne l’avais de son vivant qu’aperçu, il est tellement devenu pour moi un personnage d’histoire, d’histoire mondaine du moins, qu’il m’arrive de m’étonner en pensant qu’une femme, qu’un homme que je connais sont sa sœur et son neveu.

Pendant que nous descendions l’escalier, le montait, avec un air de lassitude qui lui seyait, une femme qui paraissait une quarantaine d’années bien qu’elle eût davantage. C’était la princesse d’Orvillers, fille naturelle, disait-on, du duc de Parme, et dont la douce voix se scandait d’un