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JALOUSIE

soirée inconnue qui, au sortir de Phèdre, avaient empêché Albertine de venir chez moi. « — Je commence par vous prévenir que ce n’est pas pour que vous veniez, car à cette heure-ci, vous me gêneriez beaucoup…, lui dis-je, je tombe de sommeil. Et puis, enfin, mille complications. Je tiens à vous aire qu’il n’y avait pas de malentendu possible dans ma lettre. Vous m’avez répondu que c’était convenu. Alors, si vous n’aviez pas compris, qu’est-ce que vous entendiez par là ? » « — J’ai dit que c’était convenu, seulement je ne me souvenais plus trop de ce qui était convenu. Mais je vois que vous êtes fâché, cela m’ennuie. Je regrette d’être allée à Phèdre. Si j’avais su que cela ferait tant d’histoires… » ajouta-t-elle, comme tous les gens qui, en faute pour une chose, font semblant de croire que c’est une autre qu’on leur reproche. « — Phèdre n’est pour rien dans mon mécontentement, puisque c’est moi qui vous ai demandé d’y aller. » « — Alors, vous m’en voulez, c’est ennuyeux qu’il soit trop tard ce soir, sans cela je serais allée chez vous, mais je viendrai demain ou après-demain pour m’excuser. » « — Oh ! non, Albertine, je vous en prie, après m’avoir fait perdre une soirée, laissez-moi au moins la paix les jours suivants. Je ne serai pas libre avant une quinzaine de jours ou trois semaines. Écoutez, si cela vous ennuie que nous restions sur une impression de colère, et au fond, vous avez peut-être raison, alors j’aime encore mieux, fatigue pour fatigue, puisque je vous ai attendue jusqu’à cette heure-ci et que vous êtes encore dehors, que vous veniez tout de suite, je vais prendre du café pour me réveiller. » « — Ce ne serait pas possible de remettre cela à demain ? parce que la difficulté… » En entendant ces mots d’excuse, prononcés comme si elle n’allait pas venir, je sentis qu’au désir de revoir la figure veloutée qui