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JALOUSIE

si l’on en croit la cuisse restée légère de la vénérable gambadeuse. Ce qui m’empêcherait de l’interroger sur ces époques passionnantes, c’est la sensibilité de mon appareil olfactif. La proximité de la dame suffit. Je me dis tout d’un coup, oh ! mon Dieu, on a crevé ma fosse d’aisances, c’est simplement la marquise qui dans quelque but d’invitation vient d’ouvrir la bouche. Et vous comprenez que si j’avais le malheur d’aller chez elle, la fosse d’aisance se multiplierait en un formidable tonneau de vidange. Elle porte pourtant un nom mystique qui me fait toujours penser à ce stupide vers dit « décadent ». « Ah ! verte, combien verte était mon âme ce jour-là… Mais il me faut une plus propre verdure. On me dit que l’infatigable marcheuse donne des « garden-parties », moi j’appellerais ça « des invites à se promener dans les égouts. » Est-ce que vous allez là ? » demanda-t-il à Mme de Surgis, qui cette fois se trouva ennuyée. Car voulant feindre de n’y pas aller vis-à-vis du baron, et sachant qu’elle donnerait des jours de sa propre vie plutôt que de manquer la matinée Saint-Euverte, elle s’en tira par la moyenne, c’est-à-dire l’incertitude. Cette incertitude prit une forme si bêtement dilettante, et si mesquinement couturière, que M. de Charlus, ne craignant pas d’offenser Mme de Surgis à laquelle pourtant il désirait plaire, se mit a rire pour montrer que « ça ne prenait pas ».

« — J’admire toujours les gens qui font des projets ; je me décommande souvent au dernier moment. Il y a une question de robe d’été qui peut changer les choses. J’agirai sous l’inspiration du moment. »

Pour ma part j’étais indigné de l’abominable petit discours que venait de tenir M. de Charlus. J’aurais voulu combler de biens la donneuse de garden partys. Malheureusement dans le monde,