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Page:Les Deux Bourgognes, tome 7, 1838.djvu/10

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nerveuses, cette grâce des fleurs délicates dont la tige a été débilitée par une culture imprévoyante ou par un trop prompt accroissement. Il y avait dans sa parure quelque chose de bizarre qui semblait tenir plus à la singularité du goût qu’aux libertés du carnaval. Elle avait ôté son masque pour manger une grenade, dont elle jetait sans façon les grains sur la foule après les avoir sucés. Mais la foule, bien loin de se fâcher, élevait autour d’elle une immense acclamation. « La Zoccolina ! criait-on. Voici la Zoccolina ! vive la Zoccolina ! »

La Zoccolina était une cantatrice qui venait d’avoir le plus grand succès au théâtre de la Porte de Carinthie, à Vienne. Originaire de Padoue, où elle avait débuté autrefois, elle y était revenue depuis peu pour y chanter pendant le carnaval, et elle y avait reparu avec l’autorité d’un nom consacré par les applaudissements de la capitale. Aussi l’idolâtrie populaire s’attachait-elle partout à ses pas. Elle avait reçu des milliers de couronnes et de sonnets, et le publie, après sa première représentation, l’avait fait repasser plus de dix fois sur la scène pour la saluer d’applaudissements frénétiques.

Quand la Zoccolina fut arrivée à l’endroit où nous avons laissé nos premiers acteurs, les deux voitures s’arrêtèrent un moment l’une vers l’autre, pour s’adresser, à la coutume italienne, des interpellations qui allaient et revenaient comme des balles.

« Belle Zoccolina, nous chanteras-tu une chanson ?

— Belle Zoccolina, as-tu bien dormi ?

— Rossignol d’amour, nous te couperons les ailes, pour que tu restes parmi nous.

— Qui sont tous ces chiens marins qui nous amènent la déesse de Cythère ?

— Viens un peu ici, belle Zoccolina ; je veux te faire ma confession, disait le moine.

— Tes beaux yeux m’ont fait une blessure au cœur, ajoutait le médecin au gros ventre.