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Page:Les Deux Bourgognes, tome 7, 1838.djvu/104

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— De qui parles-tu ? demanda le vieillard.

— Parlez plus bas ; il nous entend peut-être. Octavio est ici, vous dis-je ; je l’ai vu.

— Et où l’as-tu vu ? continua son père, bien sûr que personne n’avait pu pénétrer dans la tour.

— Je l’ai vu ici-même, à la place où vous êtes. En me réveillant, je l’ai aperçu tout à coup, là, droit à mon chevet ; il avait un habit de voyage et ses pistolets passés à la ceinture. Dieu ! quel frisson me parcourut de la tête aux pieds ! Je retins mon souffle pour ne pas faire de bruit, et lui, croyant que je dormais, tira de son sein une petite fiole remplie d’un liquide rouge dont je le vis verser une goutte dans ce verre où vous m’aviez préparé une potion.

— Tes yeux ne t’ont-ils pas trompée, ma chère enfant ? Tu sais que souvent nos sens sont dupes d’illusions singulières.

— Oh ! je l’ai bien reconnu. J’ai cru que j’en mourrais de frayeur.

— Et quand il eut versé dans cette potion le poison que tu crois sans doute qu’il y a mis, qu’est-il devenu ? reprit Cornelio.

— Il a pris un de ses pistolets et il a regardé s’il était amorcé. La peur me liait la langue, mais je priais Dieu en moi-même, persuadée que ma dernière heure était venue, quand je l’ai vu se diriger lentement vers ma harpe. Là, il s’est assis, et, après m’avoir jeté comme une menace des accords en ré dièse qui m’ont fait frissonner, il a disparu. »

Cornelio se garda bien de la contredire, comprenant que l’altération de sa raison rendrait vains tous les efforts qu’il tenterait pour la détromper.

Le jour suivant, la jeune actrice raconta à son père qu’elle avait reçu une nouvelle visite d’Octavio.

« Il s’est arrêté longtemps à me considérer, dit-elle, et jugeant sans doute que le poison n’avait pas assez d’effet, il en a mis deux gouttes aujourd’hui ; puis il a examiné ses pistolets. Ensuite il est allé