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Page:Les Deux Bourgognes, tome 7, 1838.djvu/16

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vain orgueil de vos efforts. Depuis le géant qui a creusé une caverne, jusqu’au pygmée qui a gratté le plus mince filon, votre peine est également perdue ; car vous n’entamerez pas le mur de diamant qui vous sépare de l’éternelle clarté. Dérision sur vos œuvres les plus ambitieuses comme sur vos essais les plus futiles ! Vous êtes comme ces mineurs qui vivent dans les entrailles de la terre, et qui ne jouissent de la clarté du soleil que quand on les retire morts de leurs antres souterrains. C’est pourquoi je prononce sur vous les vers de Schiller :

 

La vie n’est qu’une erreur,
Et la vérité est dans la mort  !


Telle était, sans doute, la manière de penser de Cornelio, car la plupart de ses livres paraissaient n’avoir pas été ouverts depuis longtemps. Il est même juste de dire qu’ils lui avaient été transmis héréditairement par un de ses aïeux, qui avait jadis professé avec éclat dans l’université de Padoue.

En effet, Cornelio n’était pas un homme né d’hier. Il descendait, en droite ligne, du grand docteur Cornelius à Saxo Ferrato, qui vint à Padoue au moyen-âge, pendant la fameuse querelle des vingt-quatre lettres, querelle bruyante qui durerait peut-être encore, si le nouveau professeur n’eût terrassé, par sa logique, les hardis novateurs qui voulaient créer, pour l’etcetera, une vingt-cinquième place dans l’alphabet. Ce même Cornelius devint, plus tard, très célèbre par ses connaissances dans la magie noire. C’est lui qui, ayant fait un pacte avec le démon, parvint à lui échapper en lui proposant la question suivante, tirée d’une loi romaine, que Satan ne put jamais résoudre :

« Un maître envoie son esclave au pont en lui accordant la liberté, s’il rencontre un esclave. Un autre maître envoie aussi son esclave au pont sous la même condition. Lequel des deux esclaves sera libre s’ils se rencontrent ? Le seront-ils tous les deux ou ne le seront-ils ni l’un ni l’autre ? »