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Page:Les Deux Bourgognes, tome 7, 1838.djvu/28

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consultés), vu que c’est le coq qui chanta autrefois pour accuser la trahison de saint Pierre. »

Et plus loin l’auteur ajoute :

« On ne peut nier que si l’on prend une bouture sur un vieil arbre, le jeune et le vieux ne périssent en même temps, encore qu’un grand espace ou même la mer les sépare. D’où vient aussi qu’après que Bacchus nous a comblés des présents de la vendange, le généreux sang de la grappe que nous avons renfermé dans nos caves se met à bouillir et à fermenter chaque printemps, à l’époque où la vigne se couvre de pousses nouvelles ? Car les corps qui n’ont fait qu’un, gardent entre eux des correspondances secrètes après leur séparation, ce que montre bien aussi l’exemple suivant que je sais par propre expérience. Un jour, une femme de Hojas, ayant craché sous une pierre, sa voisine, qui lui était peu bienveillante, y allant voir le lendemain, y trouva un ver né de sa salive, et l’ayant écrasé, procura la mort de son ennemie. Tu comprendras par là, cher élève, comment la magie peut agir sur les corps à distance, quand elle est parvenue à les symboliser, en maîtrisant leur idée qui n’est autre qu’une essence fine et déliée de leur substance. »

— Ce peu de lignes vous révélera sans doute, poursuivit Cornelio en posant le manuscrit, comment j’ai pu faire crouler des rochers sur la tête de mes ennemis ou faire sonner les cloches de Saint-Marc, sans sortir de ma cellule. Vous comprendrez aussi comment, en s’emparant des idées de deux êtres étrangers l’un à l’autre pour les unir au même symbole, on établira un lien mystérieux entre leurs destinées, on confondra leurs volontés, on leur inspirera un penchant mutuel dont le vulgaire ne soupçonnera pas la cause.

— Et c’est ainsi, s’écria l’inconnu, que nous nous débattons, pauvres mortels, sous la main invisible qui nous torture ; que nous cherchons un sens à la triste énigme de nos douleurs,