Aller au contenu

Page:Les Deux Bourgognes, tome 7, 1838.djvu/87

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

séjournai quelques jours sans qu’il m’arrivât rien de remarquable, si ce n’est qu’un jour, que je chantais seule dans ma chambre, il me sembla entendre sous ma fenêtre une voix grave et pleine que je crus reconnaître pour celle d’Octavio. Je courus à ma fenêtre, mais je ne vis rien qu’une gondole fermée qui tournait le coin du prochain canal. Cette circonstance sortit bientôt de mon esprit, et ne m’empêcha pas de jouir de l’enthousiasme que j’inspirais partout ; car c’était alors le printemps serein de ma vie, quand, exempte de passions sérieuses, je respirais le parfum de toutes les fleurs de l’existence, sans prévoir que le ciel s’obscurcirait bientôt.

— Que tu es belle, ma fille ! dit le vieillard en la regardant avec complaisance, que ton langage flatte agréablement mon oreille ! Tu es belle et gracieuse comme Psyché, et tu parles comme Métastase.

— Vous savez que je pris bientôt la route de Vienne, continua la Zoccolina ; mais c’est alors que le désenchantement commença pour moi. Dès que j’eus dit adieu à la mer Adriatique, depuis le sommet des montagnes qui séparent l’Italie de l’Allemagne, je sentis un froid vent du nord qui porta la tristesse dans mon âme. Les gens du pays avaient tous une bonté si lente, si compassée, si formaliste, qu’elle me glaçait comme leur climat. Il me semblait que la vie était là plus alignée et plus uniforme que les interminables carrés de choux qui bordaient perpétuellement la route. Aussi quand j’arrivai à Vienne et que je vis sa vieille et noire cathédrale de Saint-Etienne se dresser toute seule au milieu de ses maisons modernes si propres et si bien peintes, j’en eus vraiment pitié, parce que je ne pus m’empêcher de la comparer à moi-même, qui me sentais isolée aussi au milieu de tous ces Allemands avec lesquels je ne pouvais sympathiser.

La première visite que je reçus fut celle d’Octavio. Je fus charmée, je l’avoue, de revoir une figure amie qui me rappelai mon pays ; je compris très bien qu’il m’avait suivie, et je fus