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Page:Les Deux Bourgognes, tome 7, 1838.djvu/88

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touchée de cette marque de dévouement, surtout de la part d’un homme que j’avais accusé d’avoir été le premier à m’oublier, lors de mon départ de Florence.

De ce moment, le caractère d’Octavio m’apparut sous un autre jour. C’était un homme qui parlait peu, mais dont les passions étaient en feu sous une écorce glacée. Les résolutions extrêmes ne lui coûtaient rien. Aussi ne tarda-t-il pas à m’offrir sa main et son nom, du même ton qu’il m’aurait proposé d’aller faire une promenade au Danube.

Cette offre flatta ma vanité ; cependant je ne consentis pas tout de suite à l’accepter.

— Je crois à la vivacité de votre attachement, dis-je au comte ; mais je veux savoir s’il durera, et m’assurer aussi du mien pour vous. – Nous continuâmes alors à nous voir tous les jours. Mes moindres souhaits étaient aussitôt comblés ; il me donna des équipages, des parures de toute sorte pour des sommes considérables.

Au milieu des soins empressés qu’il avait pour moi, je remarquai quelquefois des bizarreries qui semblaient témoigner d’une altération passagère de sa raison. Un jour que nous nous promenions au Prater dans un jantschky dont il m’avait fait présent récemment, nous fûmes croisés par un jeune homme à cheval qui me salua et auquel je rendis gracieusement son salut, car c’était Saphir lui-même, le chef du journalisme élégant, le tyran musqué du feuilleton, celui qui faisait et défaisait les réputations théâtrales, et qui n’avait pas peu contribué à mon succès. Je ne sais si la manière dont je le saluai déplut à Octavio.

— Vous autres femmes, me dit-il, vous n’estimez que l’esprit et ce qui est à la mode ; les qualités sérieuses, les dons du cœur vous touchent peu.

— Hé ! mon Dieu, lui répondis-je, ne vaut-il pas mieux faire comme les autres que d’afficher le mépris pour toutes les manières du monde au milieu duquel on vit ?