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LES MILLE ET UNE NUITS,

n’a jamais vu une douleur plus vive. Ils ne pouvoient se résoudre à le perdre ; ils vouloient tous l’accompagner et aller mourir avec lui. Néanmoins comme il falloit se faire violence, et quitter des objets si chers : « Mes enfans, leur dit-il, j’obéis à l’ordre de Dieu en me séparant de vous. Imitez-moi : soumettez-vous courageusement à cette nécessité, et songez que la destinée de l’homme est de mourir. » Après avoir dit ces paroles, il s’arracha aux cris et aux regrets de sa famille, il partit et arriva au même endroit où il avoit vu le génie, le propre jour qu’il avoit promis de s’y rendre. Il mit aussitôt pied à terre, et s’assit au bord de la fontaine, où il attendit le génie avec toute la tristesse qu’on peut s’imaginer.

Pendant qu’il languissoit dans une si cruelle attente, un bon vieillard qui menoit une biche à l’attache, parut et s’approcha de lui. Ils se saluèrent l’un l’autre ; après quoi le vieillard lui dit : « Mon frère, peut-on savoir de vous pourquoi vous êtes venu dans