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LES GRANDS MANGEURS

cependant alors un acte des plus importants, un acte providentiel s’accomplit par ces dégoûtants mangeurs, qui défrichent l’infection et en rendent les matériaux à la vie. Comme dédommagement de sa besogne ordurière, telle de ces larves sera plus tard une magnifique mouche, rivalisant d’éclat avec le bronze poli ; telle autre, un scarabée parfumé de musc, et dont la riche cuirasse a les reflets de l’or.

Mais ces larves vouées au travail de l’assainissement général ne peuvent nous faire oublier les autres mangeurs, dont nous sommes les victimes. La larve seule du hanneton pullule parfois en tel nombre dans la terre, que des étendues immenses perdent leurs plantations, rongées par les racines. Les arbustes du forestier, la récolte de l’agriculteur, les plants du jardinier, au moment où tout prospère, un beau matin pendent flétris, frappés de mort. Le ver a passé par là, et tout est perdu. Le feu n’aurait pas fait de plus affreux ravages. — Bien des fois, une petite chenille de rien a mis nos vignobles en péril. — Des vermisseaux assez menus pour se loger dans un grain de blé ravagent le froment de nos greniers et ne laissent que le son. — D’autres broutent les luzernes, si bien qu’après eux le faucheur ne trouve rien. — D’autres, des années durant, rongent au cœur du bois le chêne, le peuplier, le pin et les divers grands arbres. D’autres, qui deviennent ces petits papillons blancs voltigeant le soir autour de la flamme des lampes et appelés teignes, tondent nos étoffes de drap, brin de laine par brin de laine, et finissent par les mettre en lambeaux. — D’autres s’attaquent aux boiseries, aux vieux meubles, qu’ils