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LES RAVAGEURS

Ils s’entendirent alors avec un de leurs camarades, le petit Louis, qui reste sur la place en face de la fontaine, et lui racontèrent ce que l’oncle leur avait dit au sujet de la zeuzère. Louis prit goût à la chose. Il savait un orme fort gros, dont les feuilles jaunies et les rameaux à demi secs dénotaient l’état souffreteux. On y fut. Du pied de l’arbre, par des trous où l’on aurait pu plonger le pouce, suintait une humeur noire. D’autres trous plus frais étaient bourrés de sciure de bois. Impossible de s’y méprendre : l’orme était habité par des ravageurs. Mais quels ?

Émile. — C’est encore la chenille de la zeuzère.

Jules. — Les trous sont bien gros, ce pourrait être autre chose.

Louis. — J’ai un couteau ; nous allons voir.

Et le voilà qui soulève l’écorce, qui entaille le bois malade. En moins de rien, la pointe du couteau fut cassée, tant le petit Louis y allait avec feu. Il fallut renoncer à creuser plus avant ; d’ailleurs les trous paraissaient plonger dans l’épaisseur du tronc, où il était impossible de les suivre sans fendre l’orme en deux. Mais ne voilà-t-il pas qu’en soulevant un lambeau d’écorce morte, Émile met à découvert une chenille si grosse, si laide, d’aspect si repoussant que personne n’ose y toucher. Chacun partagera l’appréhension des trois petits chasseurs si l’on jette les yeux sur notre gravure, qui représente la bête trouvée sous l’écorce de l’orme.

Sa longueur est de près d’un décimètre ; sa couleur est d’un rouge vineux passant au brun sur la tête et sur le dos. Les flancs sont hérissés de poils raides. La bête rend par la bouche un liquide brun et hui-