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LES RAVAGEURS

de sillons. Son caractère le plus frappant est le museau allongé en trompe.

Jules. — Il me semble avoir vu d’autres coléoptères, assez gros même, dont la tête se termine par une trompe semblable.

Louis. — Moi j’en ai trouvé, sur les noisetiers, dont le bec très long et menu ferait croire que l’insecte fume dans une longue pipe.

Paul. — Les coléoptères à trompe sont fort nombreux, en effet. Ils portent tous le nom de charançon, mais leur manière de vivre varie d’une espèce à l’autre. Quelques-uns s’attaquent aux arbres fruitiers, à la vigne. Nous en causerons un jour.

Avec son museau pointu, la calandre entame légèrement un grain de blé, et dans l’entaille elle dépose un œuf, qu’elle fixe au moyen d’une humeur visqueuse. Elle passe ensuite à d’autres grains, qu’elle traite de la même manière jusqu’à ce que sa provision d’œufs soit épuisée. C’est fait si délicatement que la meilleure vue ne découvrirait rien sur les blés infestés de ces redoutables germes. Cependant la calandre sait très bien quand un grain a déjà reçu un œuf, soit d’elle-même, soit d’une autre, et jamais elle ne commet l’imprudence de lui en confier un second, car le grain est trop petit pour deux mangeurs. À chaque grain sa larve, à chaque larve son grain, pas plus.

Bientôt les œufs éclosent. Le tout petit ver perce l’enveloppe du grain et s’introduit dans la partie farineuse par un trou presque invisible. Là, il est chez lui, bien tranquille, paisiblement livré aux douceurs de la bombance. Et quelle bombance ! À lui seul un