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LE CHARANÇON DU BLÉ

grain de blé, tout un grain de blé ! Aussi devient-il gros et gras. En cinq à six semaines, la farine est achevée, mais le son reste, car l’adroite larve se garde bien de l’entamer ; elle en a besoin pour lui servir de berceau pendant la métamorphose. Le grain rongé paraît tout intact alors qu’il est creux et loge un charançon. Dans cette cachette, la larve devient nymphe, et celle-ci insecte parfait. La calandre déchire alors l’enveloppe du son et quitte sa demeure pour explorer ce tas de blé, choisir les grains non rongés et leur confier ses œufs, qui doivent donner une nouvelle population de ravageurs.

L’oncle tria quelques grains un à un et les mit sous les yeux des enfants.

Paul. — Que voyez-vous de particulier dans ces grains ? Regardez bien.

Émile. — J’ai beau regarder, je n’aperçois rien. Ces grains ne diffèrent pas des autres.

Jules. — Je ne vois rien non plus.

Louis. — Et moi pas davantage.

Paul. — Ces grains, mes petits amis, n’ont plus de farine, malgré leurs belles apparences extérieures ; le charançon les a vidés.

Jules. — Et comment les reconnaissez-vous ?

Paul. — Les grains habités par la calandre fléchissent sous la pression des doigts ; en outre, ils sont plus légers que les autres. La vue seule ne peut distinguer les grains attaqués des grains intacts, puisque l’enveloppe, scrupuleusement respectée par la larve, a dans les deux cas les mêmes apparences. Aussi, à moins d’une surveillance attentive, les dégâts des charançons passent inaperçus jusqu’au moment où