Aller au contenu

Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mort du dit Dante, c'est à dire vers 1334 environ, prononce, en parlant de Cimabue, ces propres paroles : Cimabue de Florence fut peintre dans le temps de l'auteur, infiniment plus noble qu’aucun autre homme ait su l'être et, avec cela, il fut si altier et si dédaigneux que, quelqu'un lui faisait-il remarquer une erreur ou un défaut dans une de ses œuvres, soit qu'il s'en aperçut de lui-même (car l'artiste, comme il arrive souvent, commet une erreur, par suite d'un défaut dans la matière qu'il emploie, ou d'une insuffisance dans l'outil avec lequel il travaille), immédiatement il abandonnait l'œuvre commencée, si chère fût-elle à son cœur. Giotto fut ensuite et est encore, parmi les peintres, le plus remarquable de la même cité de Florence et ses œuvres en font témoignage, à Rome, à Naples, à Avignon, à Florence, à Padoue et dans plusieurs parties du monde.

Vraiment Giotto obscurcit la gloire de Cimabue, de la même manière qu'une grande lumière fait paraître moins brillante l'éclat d'une lumière plus petite. En effet, bien que Cimabue eût été, pour ainsi dire la cause première de la rénovation de l'art de la peinture, néanmoins Giotto, son élève, poussé par une noble ambition, et aidé par le ciel et la nature, fut celui qui, montant plus haut par la pensée, ouvrit la porte de la vérité à ceux qui l'ont ensuite amenée à ce point de grandeur et de perfection, où nous la voyons parvenue dans notre siècle.

On peut voir le portrait de Cimabue de la main de Simone Martini, de Sienne, dans la fresque du chapitre de Santa Maria Novella[1] représentant l’histoire de la Foi. Le visage est de profil et maigre, la barbe courte, un peu rousse et pointue, le front est couvert d’un chaperon analogue à ceux en usage à cette époque, qui fait plusieurs tours et enveloppe le cou d’une belle manière[2]. Celui qui est à côté de lui est Simone lui-même, l’auteur de cette œuvre, qui se reproduisit lui-même, à l’aide de deux miroirs, pour faire sa tête de profil. On dit aussi que le soldat couvert de son armure qui se tient entre eux deux est le comte Guido Novello, alors seigneur de Poppi.


  1. Côté droit de la chapelle des Espagnols. L’attribution de cette fresque à Simone Martini est contestée.
  2. Ce cavalier ne représente probablement pas Cimabue ; il porte, en effet, le costume français de l’époque.