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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/247

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faire ses figures de manière qu’elles paraissent vivantes, car autrement elles ne peuvent être estimées. C’est ce que montra également Antonio dans une petite peinture de la Manne, exécutée sur le frontispice extérieur avec tant de grâce et de fini qu’on peut vraiment l’appeler excellente.

Il fit ensuite, à Santo Stefano al Ponte Vecchio, sur la prédelle du maître-autel, différents épisodes de la vie de saint Étienne[1], traités avec tant d’amour et de perfection qu’on ne pourrait pas voir figures plus gracieuses et plus achevées, même dans une miniature. À Sant’ Antonio, sur le Ponte alla Carraia[2], il peignit l’arc au-dessus de la porte, que de nos jours Msgr Ricasoli, évêque de Pistoia, fit jeter à terre, avec toute l’église, parce qu’elle bouchait la vue à sa maison ; d’ailleurs, de toute façon, nous serons à présent privés de cette œuvre, car l’inondation de 1557 enleva de ce côté deux arches et la culée du pont sur laquelle était construite la petite église de Sant’ Antonio dont il est question.

Ayant été appelé à Pise par l’intendant du Campo Santo[3], il y continua l’histoire du bienheureux Ranieri de cette ville, commencée par Simone de Sienne. Dans la première partie des fresques d’Antonio on voit San Ranieri s’embarquer pour retourner à Pise, avec une foule de personnages remarquablement représentés, parmi lesquels le comte Gaddo[4], mort dix ans auparavant, son oncle Néri, ancien seigneur de Pise, et surtout un possédé, dont le visage bouleversé, les gestes convulsifs, les yeux enflammés et la bouche grinçant des dents font illusion, au point qu’on ne peut imaginer peinture plus vive et plus ressemblante à la nature. Dans l’autre partie qui fait suite à la première, trois personnages regardent avec admiration San Ranieri qui montre le diable, sous la forme d’un chat assis sur un tonneau, à un gros hôtelier qui a l’air d’un bon compagnon et se recommande timidement au saint. Ces figures sont des plus belles, tant pour leurs attitudes, les plis de leurs vêtements, que pour la variété des têtes et toutes les autres parties. Il en est de même des servantes qui partagent l’effroi de l’hôtelier. On ne peut pas éprouver plus de plaisir à voir la composition, dans laquelle les chanoines du Dôme de Pise, revêtus des magnifiques

  1. Peinture détruite.
  2. Petit oratoire construit en 1350 par Gheri di Michele.
  3. Mentionné dans les comptes de l’Œuvre en 1386 et 1387 : Antonius Francisci de Venetiis. Et dans les livres de l’Œuvre du Dôme de Sienne, entre 1369 et 1370 : Antonio di Francesco da Venezia.
  4. Le comte Gaddo della Gherardesca mourut en 1320. Vasari se trompe manifestement de date.