Aller au contenu

Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/300

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

travaux en marbre et en bronze : il y réussit si bien qu’il abandonna tout à fait l’orfèvrerie et se donna tout entier à la sculpture, maniant le ciseau le jour et dessinant la nuit. Souvent le froid le saisissait au milieu de la nuit ; mais, pour ne pas cesser de dessiner, il se réchauffait les pieds en les mettant dans une corbeille pleine de ces copeaux que les menuisiers enlèvent des planches, quand ils les travaillent au rabot.

Il avait à peine quinze ans, quand il fut appelé, avec d’autres jeunes sculpteurs, à Rimini, par Sigismond di Pandolfo Malatesta[1], seigneur de cette ville, qui faisait alors construire une chapelle dans l’église de San Francesco et un tombeau pour sa femme, morte auparavant[2]. Luca donna une preuve de son savoir dans quelques bas-reliefs, qu’on y voit encore maintenant, avant qu’il fût rappelé, par les fabriciens de Santa Maria del Fiore, à Florence, où il fit pour le Campanile cinq petits bas-reliefs en marbre[3] qu’on a placés du côté de l’église et qui manquaient, d’après le projet de Giotto, à côté de ceux représentant les Sciences et les Arts et qu’on doit à Andrea Pisano, comme nous l’avons déjà dit. Dans le premier, Luca représenta Donato, enseignant la grammaire ; dans les quatre autres, Platon et Aristote personnifient la Philosophie, un joueur de luth la Musique, Ptolémée l’Astrologie et Euclide la Géométrie. Ces divers sujets, pour le fini, la grâce et le dessin du travail, sont bien supérieurs aux deux bas-reliefs dans lesquels Giotto montra la Peinture sous la figure d’Apelles, et la Sculpture sous celle de Phidias.

Aussi les fabriciens, reconnaissant le mérite de Luca, et persuadés par Messer Vieri de’ Medici, grand citoyen populaire, qui l’aimait beaucoup, lui donnèrent à faire, l’an 1405[4], l’ornementation en marbre du grand orgue, que l’Œuvre faisait construire et qui devrait être placé au-dessus de la porte de la sacristie. Luca représenta, sur les différents compartiments du soubassement, des chœurs de musiciens et de chanteurs, qu’il traita avec un tel art, que, bien que la tribune soit élevée de seize brasses au-dessus du sol, on distingue le gonflement des joues de ceux qui chantent, les gestes de celui qui bat la mesure en frappant sur l’épaule des apprentis, en somme tout ce qui caractérise la musique par le moyen du chant, de la danse et du jeu des instruments ; sur la corniche sont deux anges

  1. Malatesta commença l’église San Francesco, en 1447. Vasari fait donc erreur.
  2. Le tombeau d’Isotta fut construit de son vivant, en 1450.
  3. Commandés le 30 mai 1487, terminés en 1440. Le 10 mai 1440, Luca reçoit en paiement 70 florins d’or sur les 100 qu’il devait avoir. Ces bas-reliefs existent encore.
  4. Erreur ; en 1481 ; travail terminé vers 1440. Actuellement au musée du Dôme.