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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/328

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listes. Les scènes qu’il retraça sont les suivantes : quand Jésus-Christ fait quitter les filets à André et à Pierre ; le reniement de Pierre et sa première prédication ; la barque des apôtres agitée par la tempête ; et quand Pierre guérit Pétronille, sa fille. Dans cette dernière fresque, on le voit, avec Jean, aller au temple, devant le portique duquel un pauvre malade leur ayant demandé l’aumône, Pierre, qui n’a ni or ni argent à lui donner, le rappelle à la santé avec un signe de croix. Les figures de toutes ces compositions se distinguent par autant de grâce que de grandeur, par un coloris harmonieux et par un dessin plein de vigueur et de relief. Elles furent très estimées, pour la nouveauté de leur style, et pour ces qualités complètement en dehors de la manière de Giotto ; mais elles restèrent inachevées, par suite de la mort de Masolino. Celui-ci eut un esprit fertile et ses peintures montrent beaucoup d’unité et de facilité ; elles sont, de plus, achevées avec un soin et un amour incroyables. Cette assiduité, et le travail continuel auquel il se livra, ruinèrent sa constitution et abrégèrent ses jours en l’enlevant trop tôt au monde. La mort le frappa jeune, à l’âge de 37 ans[1] et détruisit toutes les espérances qu’il avait fait concevoir. Ses productions datent de l’an 1440 environ.

Ayant souvent considéré les œuvres de Masolino, j’ai toujours trouvé que son style différait complètement de celui de ses devanciers. Il donna de la majesté à ses figures ; ses draperies sont souples et offrent de beaux plis. Ses têtes sont plus expressives, surtout dans le mouvement des yeux ; il en est de même d’autres parties du corps. Comme il commença à bien entendre le jeu des ombres et de la lumière et comme il travaillait également en relief, il sut bien rendre quantité de raccourcis difficiles, comme on le voit dans la figure du pauvre qui demande l’aumône à saint Pierre, et dont la jambe paraît entrer dans le mur, grâce aux contours du dessin et aux ombres du coloris. Il commença aussi à donner plus de grâce et de beauté aux têtes et aux costumes des femmes et des enfants et à bien comprendre la perspective. Mais, où il réussit surtout, c’est dans la peinture à fresque ; ses couleurs sont fondues et unies avec tant de grâce que les chairs en ont une délicatesse inimaginable. S’il avait possédé l’entière perfection du dessin (et il est probable qu’il y serait arrivé s’il eût vécu plus lontemps), il se serait certainement placé au premier rang parmi les meilleurs peintres, car il réunissait déjà à une manière large et facile un coloris moelleux et délicat et

  1. D’après le registre des Morts de Florence, un certain Tommaso di Cristofano est enterré le 18 octobre 1447 à Santa Maria del Fiore. C’est peut-être Masolino.