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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/422

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louée par tous les artistes. À Santa Croce, dans la chapelle des Cavalcanti, il peignit un saint Jean-Baptiste et un saint François, que l’on estime être d’excellentes figures[1]. Mais une œuvre qui remplit d’étonnement tous les artistes fut une fresque du nouveau cloître de Santa Croce, placée au commencement et face à la porte, qui représente la Flagellation du Christ[2]. Il y introduisit une loggia avec des colonnes, des voûtes en croix et des parois mises en perspective avec tant d’art et de soin, qu’il montra s’entendre aussi bien aux difficultés de la perspective qu’au dessin dans la peinture.

À Santa Maria del Fiore, il peignit l’image de Niccolo da Tolentino[3], à cheval. Pendant qu’il y travaillait, un enfant, en passant, remua l’échelle. Andrea se mit en colère, en homme bestial qu’il était, au point qu’étant descendu de l’échelle, il lui courut après, jusqu’au coin des Pazzi. Il fit aussi, dans la partie du cimetière de Santa Maria Nuova réservée aux pauvres, un saint André qui lui valut d’être choisi, bientôt après, pour peindre, dans le réfectoire où mangent les domestiques de l’hôpital, la Cène du Christ avec les Apôtres[4]. Ayant acquis par cet ouvrage la faveur de la famille Portinari et du directeur de l’hôpital, on lui donna à peindre une partie de la grande chapelle, dont une autre partie était confiée à Alesso Baldovinetti et une troisiènie au peintre, alors très célèbre, Domenico de Venise[5], qui était venu pratiquer, à Florence, le nouveau mode de peinture à l’huile. Ces trois peintres travaillant donc aux parties qui leur étaient affectées, Andrea conçut une grande jalousie envers Domenico, qu’il sentait bien lui être inférieur en dessin, mais auquel il ne pouvait pardonner le bon accueil qui ses concitoyens lui avait fait, quoique étranger. La colère et l’envie eurent tant de force en lui, qu’il se mit à penser comment, par un moyen ou un autre, il arriverait à se débarrasser de ce rival. Il n’était en effet, pas moins dissimulé et vindicatif que bon peintre, et quand, dans sa jeunesse, il apprenait que quelques-unes de ses œuvres avaient été critiquées, il faisait savoir par ses injures et ses violences à ses adversaires qu’il saurait bien se venger d’eux.

Avant de venir à Florence, Domenico avait exécuté dans la sacristie de Santa Maria di Loreto, en compagnie de Piero della Francesca,

  1. Existent encore.
  2. Peinture détruite au XVIIIe siècle.
  3. Niccolo di Giovanni de’ Maurucci, capitaine Général de la République en 1433 ; cette peinture, faite en 1456, existe encore.
  4. Ces deux peintures n’existent plus. — La Cène fut peinte en 1457.
  5. Les œuvres de ces trois peintres à S. Maria Nuova n’existent plus.