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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/424

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tains dessins d’importance. Domenico étant donc parti seul à ses plaisirs, Andrea déguisé alla l’attendre au coin d’une rue et, Domenico arrivant sur lui pour rentrer dans sa demeure, il lui enfonça, avec des poids en plomb, d’un seul coup, le luth et la poitrine. Puis, estimant ne l’avoir pas suffisamment traité à son gré, il lui brisa la tête avec les mêmes poids ; et, le laissant à terre, il retourna s’enfermer dans sa chambre de Santa Maria Nuova, où il se remit à dessiner, comme avant le départ de Domenico. Cependant, les domestiques, étant accourus au tumulte et ayant vu de quoi il s’agissait, l’appelèrent et lui apprirent la mauvaise nouvelle, à la suite de laquelle le traître et meurtrier courut rejoindre ceux qui entouraient Domenico ; il feignit de ne pouvoir se consoler en répétant : « Hélas ! mon pauvre frère ! » Domenico expira entre ses bras, et malgré toutes les recherches, on ne put savoir qui l’avait assassiné : on ne le saurait pas encore, si Andrea, à l’heure de la mort, ne l’avait fait connaître dans sa confession.

Il peignit, à San Miniato fra le Torri de Florence, un tableau représentant l’Assomption de la Vierge avec deux figures[1] et à la Nave a Lanchetta, hors la Porta alla Croce, une Vierge dans un tabernacle[2]. Dans la maison des Carducci, appartenant aujourd’hui aux Pandolfini, il peignit quelques hommes fameux, partie imaginés, partie reproduits au naturel, parmi lesquels il y a Filippo degli Scolari, Dante, Pétrarque, Boccace et autres[3]. À la Scarperia de Mugello, au-dessus de la porte du palais du vicaire, il y avait une Charité nue, très belle, qui a été dans la suite ruinée.

L’an 1478, lorsque les Pazzi et leurs complices de la Conjuration eurent tué Julien de Médicis et blessé son frère Laurent, dans l’église Santa Maria del Fiore, la Seigneurie de Florence décida que tous les conjurés fussent peints comme traîtres sur la façade du palais du Podestat. Ce travail ayant été offert à Andrea, celui-ci, en tant que familier et obligé de la maison de Médicis, l’accepta volontiers et fit une œuvre si belle qu’elle remplit tout le monde d’étonnement. On ne peut dire la somme d’art et de jugement exprimée dans ces personnages, reproduits d’après nature pour la plupart et pendus par les pieds, dans les attitudes les plus étranges et les plus variées. Comme cette œuvre plut à toute la ville et particulièrement aux connaisseurs, elle fut

  1. Ce tableau, aujourd’hui perdu, fut commandé en 1449, pour 104 livres, par Francesco da Orte, recteur de San Miniato fra le Torri.
  2. N’existe plus.
  3. Neuf peintures en pied, qui sont actuellement au Musée de Sant’Apollonia.