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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/105

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un mal énorme, comme on peut s’en rendre compte par les figures de quelques petits anges et celle de Dieu le Père, auxquelles il donna un puissant ressort, en les plaçant sur le fond obscur d’une voûte sculptée dont la perspective se prolonge avec une étonnante vérité ; il y a, en outre, quelques anges qui volent en jetant des fleurs, d’une grâce extrême. Cette œuvre fut défaite et refaite plusieurs fois par Mariotto avant qu’il la terminât, faisant passer son coloris du clair à l’obscur, tantôt plus vif et animé, tantôt moins. N’étant jamais satisfait, il disait que sa main était inhabile à rendre sa pensée ; il aurait voulu trouver un blanc plus brillant que la céruse, et se mit à le purifier pour lui donner l’éclat de la lumière sur les parties les plus éclairées. Enfin, forcé de reconnaître que l’art est insuffisant pour rendre ce que conçoit l’intelligence et le génie de l’homme, il s’arrêta et livra son œuvre au public. Les artistes lui donnèrent beaucoup d’éloges ; mais, trompé dans l’espoir d’obtenir, en considération de ses peines, un prix plus élevé que celui qu’on lui offrait, il rompit avec ceux qui lui avaient commandé ce tableau. Alors Pietro Perugino déjà vieux, Ridolfo Ghirlandajo et Francesco Granacci, qui faisaient grand cas de son talent, se réunirent pour estimer le tableau et les remirent d’accord. À San Brancazio[1] de Florence, il représenta la Visitation de la Vierge dans un cadre demi-rond. Pareillement à Santa Trinità, il fit une Vierge entre saint Jérôme et San Zanobi[2], et, pour la corporation des prêtres de San Martino, une autre Visitation très estimée[3]

Appelé ensuite au couvent della Quercia, hors de Viterbe, à peine eut-il commencé un tableau qu’il lui vint l’envie de voir Rome. S’y étant rendu, il peignit dans la chapelle de Fra Mariano Petti, à San Salvestro di Montecavallo, un tableau à l’huile représentant le Mariage mystique de sainte Catherine de Sienne[4]. De retour à la Quercia, où il avait laissé quelques amours, il voulut montrer qu’il était en mesure de les satisfaire et dépassa ses forces. Comme il n’était plus jeune ni très vigoureux dans ce genre d’exercice, il dut prendre le lit et se fit porter à Florence dans une ban nette, sous prétexte que l’air de la Quercia lui était contraire. Les secours, les remèdes furent inefficaces ; le mal empira et, au bout de peu de jours, il mourut des suites de ces excès, à l’âge de 45 ans[5]. Il fut enterré à San Pier Maggiore.


  1. Église supprimée ; la peinture est perdue.
  2. Au musée du Louvre, signée : MARIOCTI. DE. BERTINELLIS. OPUS. A. D. MDVI.
  3. Aux Offices, datée MDIII.
  4. Peinture perdue.
  5. Le 5 novembre 1515, d’après le Livre des Morts.