Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’éveillant à de plus grandes entreprises, il y réussit parfaitement, comme le prouvent divers ouvrages en argent, et particulièrement quelques nielles excellents que l’on peut voir à Bologne, sa patrie[1]. Il renferma maintes fois vingt figurines belles et bien proportionnées dans un espace de deux doigts de hauteur sur un peu plus de longueur. Il fit encore plusieurs émaux sur argent, qui disparurent au moment de la chute et de l’expulsion de la famille Bentivogli[2]. Et, pour tout dire en un mot, il exécuta mieux que qui que ce soit tout ce qu’on peut attendre de cet art. Mais il se plut principalement, et il excella à faire des coins pour des médailles qui peuvent être comparées à celles de Caradosso[3], comme on peut s’en rendre compte par celle sur laquelle est la tête très naturelle du pape Jules II, celle de Giovanni Bentivogli qui paraît vivant et celles d’une multitude de princes qui s’arrêtèrent à Bologne. Il faisait d’abord leurs médailles en cire ; puis, après avoir fait les matrices, il les frappait et les leur envoyait, ce qui, outre la renommée, lui valut de riches récompenses. Tant qu’il vécut, il dirigea la Monnaie de Bologne, dont il fit tous les coins sous les Bentivogli, sous Jules II et sous Léon X. Les pièces sont si estimées que celui qui en possède ne consent pas à s’en défaire à prix d’argent.

Il arriva que le Francia, désireux d’acquérir une plus grande gloire, et ayant connu Andrea Mantegna et d’autres peintres qui avaient tiré de leur art honneur et profit, résolut d’essayer si la peinture lui réussirait, quant au coloris, parce que, pour le dessin, il pouvait largement se mesurer avec eux. Il commença donc par des portraits et d’autres œuvres peu importantes, tenant dans sa maison plusieurs personnes du métier qui lui enseignaient les modes et le procédé du coloris ; comme il avait le jugement très bon, il en acquit rapidement la pratique[4]. La première œuvre qu’il produisit est un petit tableau pour Messer Bartolommeo Felisini, qui le plaça dans l’église della Misericordia, hors de Bologne[5]. Ce tableau représente la Madone assise, avec plusieurs autres figures, en particulier celle de Messer Bartolommeo ; il est peint à l’huile avec un soin extrême. Exécuté l’an 1490, il plut tellement à Bologne, que Messer Giovanni Bentivogli, désireux d’orner avec les œuvres de ce nouveau peintre sa chapelle dans l’église San Jacopo de cette ville, lui fit faire sur un tableau une madone dans les

  1. On conserve deux Paix de Francia à l’Académie des Beaux-Arts de Bologne.
  2. En 1507.
  3. Ambrogio Foppa de Pavie, florissait vers 1500.
  4. La plupart de ses œuvres sont signées : FRANCIA, AVRIFEX et datées.
  5. Actuellement à la Pinacothèque de Bologne, signé et daté 1490.