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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/306

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modèles à Son Excellence ; mais ce projet demeura sans exécution jusqu’en 1559. Cette année-là, le propriétaire du bloc vint de Carrare et demanda à être payé du reste de la somme qui lui était due, sinon qu’il rendrait les cinquante écus et partagerait son marbre en plusieurs morceaux, pour le vendre plus facilement, car il avait plusieurs offres. Benvenuto Cellini et Bartolommeo Ammanati ayant appris que le duc avait ordonné à Giorgio Vasari d’acquérir ce bloc, et n’en avait pas encore disposé en faveur de Baccio, supplièrent Son Excellence de leur permettre d’entrer en concurrence avec Bandinelli, et d’accorder le marbre à celui qui ferait le plus beau modèle. Le duc y consentit, enchanté de cette occasion qui forçait Baccio à déployer tout son savoir et tous ses efforts pour l’emporter sur ses rivaux. En effet, Baccio redoutant la disgrâce du duc, exécuta de nouveaux modèles avec tout le soin imaginable ; mais, fidèles à ses habitudes d’intrigues, il obtint la direction du transport de ce bloc à Florence. Dès qu’il fut arrivé à Carrare, il rapetissa méchamment ce marbre, de telle sorte qu’il ôta à ses concurrents et à lui-même la possibilité d’en faire un ouvrage aussi grand qu’on espérait. De retour à Florence, il y eut de longs débats entre lui et Benvenuto à ce sujet ; néanmoins, grâce à la protection de la duchesse, le bloc fut adjugé à Baccio, qui construisit, sous la Loggia de la place, un atelier pour le recevoir.

Après la mort de Baccio, le bloc de Neptune excita des querelles plus vives que jamais. Cellini, ayant fait un petit modèle de ce groupe, voulait que le duc le lui donnât ; d’un autre côté, l’Ammanati, en sa qualité de sculpteur habitué à tailler le marbre, et plus expérimenté que Benvenuto, jugeait que l’œuvre devait lui être allouée. L’Ammanati me remit un petit modèle en cire, et me pria de le montrer à Michel-Ange, pour qu’il en dît son avis, et qu’il engageât le duc à lui adjuger le marbre ; j’y consentis, et Son Excellence lui ordonna de clore une arcade de la Loggia, et de commencer un modèle de la grandeur que permettait le bloc. À cette nouvelle, Benvenuto, furieux, monta à cheval et courut à Pise dire au duc qu’il ne pouvait souffrir que son talent fût mis en échec par un homme qui ne le valait pas, et qu’il demandait à faire un modèle en concurrence de l’Ammanati ; le duc voulut le contenter et lui permit de boucher l’autre arcade et d’exécuter un modèle comme il le désirait. Tandis que ces deux maîtres étaient occupés à ce travail. Maestro Giovan Bologna, sculpteur flamand, et Vincenzio Danti de Pérouse voulurent concourir, non pour obtenir le marbre, mais pour montrer leur hardiesse et leur talent. Giovan fit son modèle dans le couvent de Santa Croce, et Vin-