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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/313

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en a un, Paolino[1] qui est maintenant en grand crédit à Venise, où il a fait une foule d’ouvrages dignes d’être loués, bien qu’il n’ait encore que trente ans. Né à Vérone, d’un père sculpteur, ou, comme on dit dans le pays, tailleur de pierres, il apprit les principes de la peinture auprès de Giovanni Caroto, Véronais, et peignit à fresque la salle du commissaire Portesco, à Tiene, dans le Vicentin. Ensuite il exécuta plusieurs ouvrages remarquables par le dessin, le jugement et la manière, dans la villa della Soranza[2]. À Maser, près d’Asolo, dans le pays trévisan, il a peint la superbe villa du seigneur Daniello Barbaro, patriarche d’Aquilée[3]. À Vérone, dans le réfectoire de San Nazaro, couvent des moines noirs, il a représenté, sur une grande toile, le repas de Notre-Seigneur chez Simon le lépreux ; on y voit la pécheresse se jetant aux pieds du Christ, avec quantité de portraits d’après nature et de perspectives remarquables. Sous la table sont deux chiens, si beaux qu’ils paraissent vivants, et dans le lointain on aperçoit quelques estropiés très bien exécutés[4]. Une œuvre de sa main[5] se voit à Venise, dans la salle du Conseil des Dix ; c’est un ovale au milieu du plafond, plus grand que les autres, renfermant Jupiter qui chasse les vices, comme pour dire que ce tribunal suprême et absolu chasse les vices et punit les hommes méchants. Il peignit encore le soffite ou plutôt le plafond de l’église San Sebastiano, qui est une œuvre remarquable, ainsi que le tableau de la chapelle principale et les volets de l’orgue[6]. Ce sont des peintures vraiment remarquables. Dans la salle du Grand Conseil, il a peint un grand tableau[7] représentant l’entrevue de Frédéric Barberousse avec le pape ; cette œuvre, qui est à bon droit admirée, contient les portraits de divers gentilshommes et sénateurs vénitiens, et quantité de personnages magnifiquement costumés, vraiment dignes de composer la cour d’un empereur et celle d’un pape. Paolino fit ensuite, dans plusieurs chambres qui servent au Conseil des Dix, des plafonds peints à l’huile, pleins d’énergiques raccourcis. Il orna aussi de belles fresques la façade de la maison d’un marchand que l’on rencontre en allant de San Mosè à San Maurizio ; malheureusement l’air salin les détruit peu à peu. À Murano, il

  1. Paolo Caliari, dit Véronèse, 1528-1568.
  2. N’existe plus. Les peintures sont dans l’église San Liberale de Castelfranco.
  3. Appartient à la famille Manin ; ces peintures existent encore.
  4. Actuellement au Musée de Turin.
  5. Qui existe encore.
  6. Peintures commandées le 14 décembre 1555. Existent encore.
  7. Cette peinture est de Federigo Zucchero ; mais il y en a d’autres de Véronèse dans la même salle.