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peignit à fresque une loggia et une chambre très estimée pour Cammillo Trevisani. À San Giorgio Maggiore de Venise, il fit, à l’entrée d’une grande salle, une toile peinte à l’huile et représentant les Noces de Cana[1]. Cette œuvre est admirable pour la grandeur, le nombre des figures, la variété des costumes et la richesse de l’invention ; si mes souvenirs ne me trompent pas, il y a plus de cent cinquante têtes, toutes variées et traités avec un soin extrême.

Les procurateurs de San Marco lui donnèrent à peindre les médaillons d’angles qui sont au plafond de la bibliothèque Nicena[2], riche en livres grecs et légués à la Seigneurie par le cardinal Bessarion. Ils partagèrent les peintures entre les meilleurs maîtres de Venise, et, pour exciter leur émulation, décidèrent que l’on décernerait un prix d’honneur, en sus de la somme d’argent, à celui qui l’emporterait sur ses rivaux. Paolino, proclamé vainqueur, après que les différents panneaux eurent été attentivement examinés, reçut pour récompense une chaîne d’or ; le tableau qui lui valut la victoire et le prix d’honneur, est celui où il représenta la Musique, sous les traits de trois belles jeunes femmes, dont l’une, la plus belle, joue de la viole de gambe, baissant la tête sur le manche de l’instrument et dans l’attitude d’une personne entièrement attentive à son jeu. Des deux autres l’une chante, d’après un livre, et l’autre joue du luth. À côté de ces femmes, est un Cupidon sans ailes, frappant des cymbales, et qui montre que l’Amour naît de la Musique ou plutôt que l’Amour est inséparable de la Musique. Aussi l’a-t-on représenté sans ailes. Le même tableau renferme le dieu Pan tenant des flûtes d’écorce d’arbre, instruments qui lui sont consacrés par les bergers vainqueurs dans les joutes musicales. Paolino fit encore deux autres tableaux dans cet endroit ; l’un représente l’Arithmétique personnifiée par des philosophes vêtus à l’antique ; dans l’autre on voit l’Honneur sur un trône, auquel on offre des sacrifices et des couronnes royales. Mais, comme ce jeune homme est actuellement en pleine production, et n’a pas encore trente-deux ans, nous ne dirons plus rien sur son compte, pour le moment.


 

  1. Musée du Louvre. Tableau commandé le 6 juin 1562, pour le réfectoire payé 342 ducats.
  2. Existent encore, dans le palais royal.