Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 2.djvu/274

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gneur de Santillane. Scipion, ne pouvant plus après cela regarder sa femme que comme une autre Pénélope, promit d’avoir pour elle toutes les considérations imaginables.

Les villageois et villageoises, après avoir dansé toute la journée, se retirèrent dans leurs maisons ; mais on continua la fête dans le château. Il y eut un magnifique souper ; et, lorsqu’il y fut question de s’aller coucher, le grand vicaire bénit le lit nuptial, Séraphine déshabilla la mariée, et les seigneurs de Leyva me firent le même honneur. Ce qu’il y a de plaisant, c’est que les officiers de don Alphonse et les femmes de la gouvernante s’avisèrent, pour se réjouir, de faire la même cérémonie ; ils déshabillèrent Béatrix et Scipion, qui, pour rendre la scène plus comique, se laissèrent gravement dépouiller et mettre au lit.


CHAPITRE X

Suite du mariage de Gil Blas et de la belle Antonia. Commencement de l’histoire de Scipion.


Dès le lendemain de mes noces, les seigneurs de Leyva retournèrent à Valence, après m’avoir donné mille nouvelles marques d’amitié ; si bien que mon secrétaire et moi nous demeurâmes seuls au château avec nos femmes et nos valets.

Le soin que nous prîmes l’un et l’autre de plaire à ces dames ne fut pas inutile ; j’inspirai en peu de temps à mon épouse autant d’amour que j’en avais pour elle, et Scipion fit oublier à la sienne les chagrins qu’il lui avait causés. Béatrix, qui avait l’esprit souple et liant, s’insinua sans peine dans les bonnes grâces de sa nouvelle maîtresse et gagna sa confiance. Enfin, nous nous accordâmes tous quatre à merveille, et nous commençâmes à jouir d’un sort fort digne d’envie. Tous nos