Page:Lespérance - Les Bastonnais, 1896.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
141
les bastonnais

LIVRE III

LA TEMPÊTE ÉCLATE.

I
québec en 1775-76.

Québec est la ville la plus pittoresque de l’Amérique. Son site est sans rival. Rochers, eaux et forêts contribuent à rendre le panorama, de tous côtés, un charme pour les amateurs de beaux paysages. Telle qu’elle est aujourd’hui, telle elle était il y a cent ans ; ou, s’il y a une différence, elle est en faveur de cette date reculée, car la pioche et la hache n’avaient pas taillé et creusé, autant que de nos jours, cette œuvre sublime de la nature.

Québec est aussi la ville d’Amérique la plus remarquable au point de vue historique. L’une des plus anciennes, elle est de beaucoup la plus riche en annales émouvantes. Dès son origine, elle fut le théâtre d’événements importants dont les résultats se firent sentir bien au delà de ses murs et marquèrent les destinées de tout le continent. Ses archives précieuses embrassent la religion, la diplomatie, l’armée et la marine. Ses grands hommes ont été des missionnaires, des hommes d’État, des soldats et des matelots. Les héroïques explorateurs des lointaines régions de l’Ouest étaient ses fils ou sortaient de ses portes, pour entreprendre leurs périlleuses expéditions.

Jogues apparaît comme une nébuleuse à côté de l’éclat de Brébeuf. Champlain et Frontenac ouvrent la carrière lumineuse qu’ont parcourue après eux Dorchester et Dufferin. La gloire commune de Wolfe et de Montcalm est immortelle et la renommée du jeune et malheureux Montgomery n’est guère moins grande. Où a-t-il jamais existé un plus grand marin qu’Iberville ? L’histoire de la vallée du Mississipi est à jamais associée aux noms des Marquette, des Hennepin, des Joliet et des La Salle.

Il s’ensuit qu’à cette époque de célébrations de centenaires, aucune cité, en Amérique, n’est plus intéressante que Québec et c’est pour nous un charme de plus de pouvoir nous la représenter facilement telle qu’elle existait, il y a un siècle.

Dans l’hiver de 1775-76, la population était d’environ 5000 âmes, dont 3200 femmes et enfants. Tous les hommes furent appelés à