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les bastonnais

Zulma termina sa lettre par un parafe, la plia, l’adressa et se levant, la remit à Batoche.

— Je ne vous ai pas retenu bien longtemps, vous voyez. Remettez ceci à la plus prochaine occasion et recevez mes remercîments. Puis-je faire quelque chose pour vous en retour ?

Batoche baissa les yeux et hésita.

— Ne craignez pas de parler. Nous sommes de parfaits amis, maintenant.

— Il est quelque chose que je voudrais bien vous demander, Mademoiselle ; mais je ne l’aurais jamais osé, si vous ne m’aviez encouragé.

— Qu’est-ce, Batoche ?

— J’ai une petite-fille, la petite Blanche.

— Oui.

— Elle a été ma compagne inséparable depuis son enfance

— Oui.

— Maintenant que la guerre est déclarée, elle est souvent seule, et cela m’inquiète.

— Où est-elle ?

— Dans notre cabane, à Montmorency.

Pauline Belmont désirait la garder avec elle à Québec durant le siège ; mais je n’ai pas voulu y consentir parce que je n’aurais pu la voir aussi souvent que je l’aurais désiré.

— Confiez-moi l’enfant, Batoche. Je remplacerai sa marraine de mon mieux.

— Je vous remercie du fond du cœur, Mademoiselle ; mais ce n’est pas précisément ce que j’ai voulu dire. Je ne pourrais pas me séparer d’elle définitivement, et elle ne pourrait pas me quitter. Tout ce que je demande, c’est ceci : je puis être absent de ma hutte plusieurs jours de suite. Vous savez ce que c’est que le service militaire.

— Le service militaire ?

— Oui, Mademoiselle ; je suis soldat encore une fois.

— Vous voulez dire…

— Je suis enrôlé parmi les Bastonnais.

— Bravo ! s’écria Zulma. Chaque fois que vous aurez à vous absenter de chez vous, amenez-moi Blanche.

Comme Zulma ou Batoche étaient loin de soupçonner les étranges événements qui résulteraient de cet incident !