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les bastonnais

« Le capitaine Bouchette a eu la bonté de déclarer reine du bal une personne de votre connaissance. Sans doute, c’était de la flatterie. Mais si une jeune fille que je connais avait été là, non seulement M. Bouchette, mais le gouverneur lui-même et toute la compagnie, sans en excepter Roderick, l’auraient proclamée reine de la fête.

Ceci n’était pas un compliment banal d’une jeune fille à une autre ; c’était un tribut courtois d’une femme à une femme. Évidemment Pauline faisait de rapides progrès.

La lettre fut aussitôt pliée et adressée. Lorsqu’elle se leva de son bureau, en la tenant à la main, elle se sentit singulièrement soulagée. Elle regarda par la fenêtre, en descendant l’escalier, et un nouvel horizon s’étendit devant elle. Ses appréhensions avaient disparu momentanément ; ses doutes étaient évanouis et tout ce qui restait dans son esprit était une certaine espérance qui lui rendait le cœur léger et qu’elle ne pouvait expliquer.

Elle rencontra son père en bas et s’enquit de Batoche.

— Il n’est pas ici, ma chère, mais il peut revenir ce soir.

— J’ai une lettre pour lui.

— Une lettre pour Batoche ?

— C’est-à-dire, une lettre que je désire qu’il porte.

— À qui ?

— À Zulma Sarpy.

— Oh ! c’est très bien. Écrivez à Zulma. Cultivez son amitié. C’est une jeune fille remarquable.

Batoche vint en effet chez M. Belmont, ce soir-là, mais pour un instant seulement, car il devait sortir de nouveau de la ville. Il accepta avec empressement la commission de Pauline.

« Je remettrai moi-même cette lettre, dit-il ; je suis heureux d’avoir l’occasion de revoir cette charmante personne. »

X
à la citadelle.

Le lendemain, au lieu d’éprouver la réaction ordinaire, Pauline continua d’être précisément dans le même état d’esprit que le jour où elle avait remis la lettre à Batoche. Elle n’était pas gaie, assurément. Par exemple, elle n’aurait pu chanter une chanson comique avec entrain, mais elle n’était pas seulement calme. Il y avait en elle une vive impulsion d’attente vague qui la faisait aller et venir dans la maison d’un pas léger et le sourire aux lèvres. Son père était très satisfait, car l’effet produit sur lui par la visite de Bou-