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les bastonnais

— Oui. Vous devez en savoir quelque chose. Ne vous rappelez-vous pas le jeune officier qui vous a escorté jusqu’aux portes, avant-hier ?

— Oh ! répondit Pauline, sans essayer de cacher sa surprise ou son intérêt, vous ne voulez pas dire assurément qu’il est là parmi ces pauvres gens sans abri ?

— Mais oui, certainement, et je suis sûr qu’il en est charmé. Je le serais, à sa place. Il a tout plein d’espace pour se mouvoir, tandis que nous sommes enfermés comme dans un poulailler entre ces étroites murailles.

— Eh bien ! Il est fort courageux et peut endurer un peu de misère ; c’est une consolation, dit Pauline, en remuant sa petite tête d’un air de sympathie.

Ceci amusa évidemment Roderick qui répliqua :

— Oui, c’est un gros garçon, très robuste.

— Et si brave ! continua Pauline avec une chaleur croissante, tandis que ses yeux étaient fixés au loin, sur la plaine.

— Tout soldat doit être brave, Pauline ; mais je dois reconnaître que cet homme est tout particulièrement brave. Il l’a prouvé sous nos yeux.

Pauline ne répondit pas, mais son attention demeura attachée au lointain. Frédéric eut un franc éclat de rire et dit :

— Assurément, ce n’est pas là tout ce que vous avez à dire de lui. Il est fort, il est brave et… n’est-il pas quelque chose encore, hein ! Pauline ?

Elle se retourna tout à coup et répondit au rire d’Hardinge par un sourire, mais la rougeur de ses joues trahissait son émotion.

— Voyons, chère, n’est-il pas beau ? continua Roderick fier de son triomphe et plein de malice.

— Eh bien ! oui, il est beau, répondit Pauline avec un sourire délicieux et d’un ton qui aurait voulu être agressif.

— Et quoi encore ?

— Modeste.

— Autre chose ?

— Poli.

— Et puis ?

— Instruit

— Encore ?

— Bon.

— Bon à votre égard, chère ?

— Tout particulièrement bon envers moi.

— Je l’en remercie. Il ne pouvait choisir d’objet plus digne de sa