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les bastonnais

jeune fille dans les environs de Québec, ce même jour. Elle était à cheval, accompagnée d’un domestique. Aussitôt qu’elle aperçut le vieux soldat, elle poussa son cheval vers lui et lui fit le plus chaleureux accueil. Quelques mots de conversation suffirent pour révéler à Batoche le motif du voyage de Zulma. Elle avait profité du temps magnifique qu’il faisait pour faire une course à travers le pays et elle avait choisi la direction de Québec afin d’apprendre ce qui se passait entre les deux armées ennemies. Batoche se borna à lui dire quelques mots des amis qu’elle avait en ville et s’excusa de ne pas en dire davantage, en lui remettant la lettre de Pauline. Zulma la saisit avec empressement, brisa le sceau et parcourut d’un coup d’œil les nombreuses pages de la missive.

Elle ne dit mot ; mais l’expression de sa physionomie indiquait que ce qu’elle lisait l’amusait beaucoup. Vers la fin de la lettre, toutefois, cette expression se changea en une singulière gravité.

«  Je la lirai plus à l’aise, à mon retour, dit-elle à Batoche, en pliant la lettre qu’elle serra dans son corsage, et Pauline peut être assurée de recevoir une longue réponse. Pour le moment, veuillez lui transmettre mes remercîments et lui dire que ce qu’elle m’écrit m’intéresse beaucoup. Elle est bien bonne de penser ainsi à moi. Dites-lui bien qu’elle est toujours présente à ma mémoire. Je ne cours aucun danger, mais il n’en est pas de même d’elle. Je puis parcourir le pays à mon bon plaisir, tandis qu’elle est renfermée dans ces murs. Dites-lui que je suis prête à faire tout en mon pouvoir pour elle. Elle aura de moi tout ce dont elle aura besoin et vous serez notre messager, n’est-ce pas, Batoche ?

Le vieillard se déclara tout prêt à servir les deux amies.

«  Si cela est nécessaire, reprit Zulma, j’irai à Pauline, même à travers les barricades et les murailles. Partout où vous me conduirez, Batoche, je vous suivrai. Dites-lui bien cela ; et maintenant, adieu.

— Adieu ? dit Batoche.

— Oui ; je vais m’en retourner à la maison. J’ai fait une agréable promenade. Je serais peut-être allée un peu plus loin, mais à présent que je vous ai rencontré et que j’ai reçu cette précieuse lettre, je suis satisfaite.

— L’après midi n’est pas encore bien avancé, répliqua Batoche, Mademoiselle pourrait tarder un peu. Je crois qu’elle pourrait rendre sa promenade plus agréable encore.

Ces simples mots suffirent pour faire comprendre à Zulma toute la pensée de son vieil ami. Ses joues prirent une teinte plus rose et ses yeux s’animèrent, en dépit de ses efforts pour dissimuler son émotion.