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les bastonnais

je suis tombé. Il a pris soin de moi et m’a persuadé de venir ici avec lui.

Batoche sourit de nouveau pendant que Cary parlait, puis, à son tour, il dit :

— Le capitaine aurait préféré aller ailleurs pour se reposer, et il n’a consenti à venir avec moi que lorsque je lui ai donné l’assurance que vous étiez absente de votre demeure.

— Comment saviez-vous cela ? demanda Zulma.

— Oh ! je le savais.

— Vous savez tout, Batoche.

— Je ne savais pas que je vous rencontrerais dans mon humble cabane, mais je croyais que cela n’était pas impossible. Quand j’ai vu votre carriole à la porte, je n’ai pas été surpris le moins du monde, mais je n’en ai rien dit au capitaine.

— Je n’ai jamais été plus surpris et plus charmé de ma vie, dit Cary.

Zulma était consolée. Elle recouvra complètement sa tranquillité d’esprit et conversa d’un ton calme avec Cary. Quelque temps après, quand la petite Blanche commença à mettre la table, elle se leva pour l’aider et prépara le frugal repas de ses propres mains. Plus tard, elle aida Batoche à préparer les onguents pour les contusions du jeune officier.

Batoche était aussi habile que n’importe quel homme de la médecine, chez les sauvages, qui, en réalité, lui avaient appris les vertus des diverses semences et des herbes qui étaient suspendues en paquets aux solives de sa hutte.

Une couple d’heures s’écoulèrent ainsi, presque sans qu’on y prît garde. Quand huit heures sonnèrent, Zulma se leva de son siège et annonça son intention de demeurer avec son ami jusqu’au lendemain, où l’on connaîtrait mieux la nature de ses blessures. Cary la gronda gentiment, en l’assurant de nouveau que, dans quelques jours, il pourrait se servir parfaitement de ses jambes. D’un autre côté, Batoche encouragea Zulma dans sa résolution. Il déclara qu’il regarderait comme une grande faveur qu’elle voulût bien accepter la maigre hospitalité de sa hutte pour une nuit. La petite Blanche ne dit rien, mais elle s’attacha à la robe de Zulma et il y avait dans son regard un appel auquel la jeune fille n’aurait pu résister, quand même elle en aurait eu l’envie. Avec sa manière résolue, elle ordonna au domestique de retourner à Charlesbourg, d’apprendre à son père la raison qui la faisait rester en arrière et de revenir le lendemain matin prendre ses ordres.

— Si je pensais, dit Batoche, que M. Sarpy fût trop inquiet, j’irais avec votre domestique pour tout expliquer.