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évêques qui lui succédèrent sont nés au Canada. C’est à lui que M. Belmont s’adressa pour obtenir un dernier conseil. Il trouva le prélat seul dans son cabinet d’étude, lisant tranquillement son bréviaire, tandis qu’une pile de documents, lettres et autres papiers, s’amoncelait sur la table, à son côté. L’évêque portait une soutane violette par-dessus laquelle était jeté un surplis de dentelles d’un blanc de neige, qui lui descendait jusqu’aux genoux. Un court camail violet était attaché sur ses épaules. Une croix pectorale tombait sur sa poitrine au bout d’une massive chaîne d’or passée autour du cou. La tête, toute blanche et tonsurée, était couverte d’une petite calotte de velours violet. Un anneau orné d’une grosse améthyste brillait au second doigt de sa main gauche. Dans cette attitude, Monseigneur était la peinture de la force sereine. Pendant que tout, autour de lui, était tumulte et confusion, dans son appartement régnait une atmosphère de paix et de tranquillité. Le séminaire, où il résidait, était à un jet de pierre des casernes, sur la place de la cathédrale ; mais tandis que celles-ci étaient le théâtre d’une excitation et d’une anxiété constantes, l’autre était la scène d’une confiance perpétuelle et du repos. Et pourtant, cet homme solitaire fut un acteur principal dans les événements de 1775-76. Son influence avait été et était encore toute-puissante.

De sa calme retraite, il avait envoyé une lettre pastorale, au commencement des hostilités, recommandant la loyauté envers l’Angleterre, exhortant ses ouailles à obéir aux enseignements de leurs curés et à suivre leurs exemples. Sa voix avait été entendue. Sans lui, on ne peut dire combien les circonstances de l’invasion du Canada auraient pu être différentes. Si Guy Carleton fut fait chevalier en récompense de son heureuse défense de Québec ; assurément Monseigneur Briand aurait dû recevoir quelque témoignage de faveur de ceux qu’il avait si fidèlement servis. Sans le pouvoir spirituel, la force matérielle n’aurait été d’aucune utilité, et l’épée du commandant aurait été levée en vain si la crosse de l’évêque n’avait renversé les obstacles qui embarrassaient les commencements de la lutte.

Le prélat reçut M. Belmont avec la plus grande bonté, car ils étaient de vieux amis. Plaçant son pouce entre les feuillets fermés de son bréviaire, il demanda à son visiteur de lui exposer franchement l’objet de sa visite, quoique l’expression de sa physionomie et son attitude montrassent qu’il devinait ce sujet. M. Belmont, agité tout d’abord, recouvra graduellement assez de sang-froid pour donner une complète explication de son cas. Il exposa en détail