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les bastonnais

lui dit adieu, mais le beau sourire épanoui sur ses lèvres encouragea le jeune homme à marcher et à faire son devoir.

— Si je crains quelque chose, dit-il, c’est pour vous.

— Ne craignez rien, répondit-elle. Je ressens la certitude que nous nous reverrons.

En arrivant au camp, où son retour fut acclamé par tous ses camarades, Cary apprit que la fin approchait. Le grand coup allait enfin être frappé. Tout le mois de décembre avait été passé inutilement dans un siège sans résultat et Montgomery avait décidé, pour une multitude de raisons impérieuses, de tenter l’assaut de la fière citadelle. C’était une alternative désespérée, mais le léger espoir de succès qui accompagnait cette audacieuse entreprise suffit à en faire adopter le projet.

XIX
près-de-ville.

Tout était prêt. On n’attendait plus qu’une chose : une « tempête de neige. » Elle vint enfin, à l’aurore du 31 décembre. L’armée se mit aussitôt en ordre de bataille, et vers deux heures, toutes les mesures de Montgomery étaient prises. Échelles, lances, hachettes et grenades portatives : tout était prêt. Voici quel était le plan de bataille. Montgomery, à la tête d’une division, devait attaquer la basse ville du côté de l’ouest. Arnold, à la tête de la seconde division, était chargé d’attaquer la basse ville du côté de l’est, et tous deux devaient se rencontrer au pied de la côte de la montagne, qu’ils devaient gravir ensemble, escaladant les barricades élevées sur l’emplacement de la porte de Prescott, pour se répandre comme un torrent qui a rompu victorieusement ses digues, dans la haute ville. En attendant, Livingston, avec un régiment de Canadiens, et Brown avec partie d’un régiment de Boston devaient diriger de fausses attaques sur le bastion du cap Diamant, et les portes Saint-Jean et Saint-Louis qu’ils devaient livrer aux flammes, s’il était possible, avec du combustible préparé à cet effet.

Suivons d’abord Montgomery. S’avançant de son quartier général établi à Holland House, il traversa les plaines d’Abraham, descendit dans l’anse de Wolfe et, de là, remonta l’étroite route située entre le fleuve et le haut promontoire du cap Diamant. La nuit était noire comme de l’encre ; un ouragan de neige aveuglait ceux qui s’exposaient à sa furie et une bise glaciale amoncelait des bancs de neige sur le chemin. L’héroïque colonne s’avança silencieusement, en dépit de la terrible tempête jusqu’à un endroit appelé