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les bastonnais

— Je n’ouvrirai pas.

M. Belmont n’était pas peureux, mais évidemment ces précautions étaient devenues nécessaires, dans l’état de désordre actuel de la ville.

Batoche était dans une situation pénible, mais sa sagacité innée vint bientôt à son aide. Approchant la bouche du trou de la clé, il poussa le sourd hurlement du loup. En l’entendant, M. Belmont ouvrit les yeux tout grands, et un triste sourire éclaira sa physionomie ; mais il ne tarda pas un instant à tourner la clef, et à entr’ouvrir la porte. L’étranger se glissa à l’intérieur.

— Batoche ! — M. Belmont !

Quelques mots chuchotés expliquèrent tout : le déguisement, le motif de sa visite et tout le reste. M. Belmont recouvra sa tranquillité et conduisit son ami dans une salle de devant.

— Je n’ai pas de temps à perdre. Il faut que je le voie, dit Batoche.

— Il est très mal et, en ce moment, il dort.

— Qui est avec lui ?

— Pauline. Elle ne le quitte jamais.

— Attendez un moment. Roderick Hardinge peut arriver d’un moment à l’autre ; il vient tous les soirs vers cette heure-ci. Il ne faut pas qu’il vous rencontre.

— Ne craignez rien. Il me sera facile de me dérober à sa vue.

Les deux amis montèrent alors à la chambre du malade, qui n’était autre que la chambre même de Pauline. Sur le petit lit était couché le beau soldat américain, étendu sous les couvertures d’un blanc de neige. Ses traits étaient tirés et amincis, ses yeux