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les bastonnais

« L’enlèvement des bateaux nous donnera trois ou quatre jours de répit, car je suppose bien que Donald vous a répété qu’Arnold n’a pas d’artillerie et qu’il doit se procurer des bateaux s’il a réellement l’intention d’attaquer la ville. Dans l’intervalle, nous pouvons espérer de voir arriver le colonel McLean et le gouverneur Carleton ».

Le lieutenant-gouverneur fit un signe d’assentiment et donnant l’ordre à l’officier de lui faire son rapport aussitôt que la besogne serait faite, il le renvoya à ses quartiers.

À l’heure fixée, Hardinge se mit à l’œuvre qu’il conduisit de la manière la plus calme et la plus judicieuse. À cette époque, tous ceux qui habitaient le bord du fleuve ou les environs possédaient un bateau ; c’était presque le seul moyen de transport pour se rendre aux marchés de Québec. Les habitants avaient appris des sauvages à se servir de ces embarcations avec adresse, de sorte que les femmes étaient aussi expertes que les hommes à manier l’aviron. Ceux qui demeuraient sur les bords du Saint-Laurent tenaient ordinairement leurs bateaux attachés par une chaîne près d’une petite cabane sur la berge, où les femmes venaient faire le blanchissage du linge. Cette pratique s’est continuée jusqu’aujourd’hui le long du fleuve, dans les parties éloignées des grandes villes et où il n’existe pas de bateaux traversiers.

Ceux qui demeuraient à quelque distance dans l’intérieur avaient l’habitude de traîner leurs barques un peu à l’écart, dans les bois, après s’en être servis et de les laisser dans quelque endroit choisi jusqu’à ce qu’ils en eussent de nouveau besoin. Il arriva ainsi que, à l’époque où se passaient les événements que nous décrivons, il n’y avait peut-être pas moins d’un millier de bateaux dans un rayon de trois milles, au-dessus et au-dessous de Québec, sur les deux rives du Saint-Laurent.

Immédiatement en face de la ville, il s’en trouvait environ une centaine appartenant, non seulement aux habitants de la Pointe-Lévis, car il n’y avait là alors qu’un village insignifiant, mais surtout aux fermiers des paroisses voisines.

Ce nombre était important, si Arnold avait pu s’emparer de cette flottille ; mais Hardinge eut peu de difficultés à les enlever à l’ennemi. Trente à quarante de ces embarcations faisaient eau ou étaient en partie démantibulées. Il les brisa et en jeta les débris à la rivière.

Il envoya le reste de l’autre côté par intervalles, et de différents points, à l’aide d’une douzaine d’hommes qu’il avait adjoints à son escouade. De dix heures du matin, à cinq heures de l’après-midi,