Page:Lespérance - Les Bastonnais, 1896.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
81
les bastonnais

l’île d’Orléans. Alors, ils ont fait un radeau avec quelques troncs d’arbres et ont atterri à l’île. Là, ils ont trouvé des bateaux qui les ont transportés à la ville, et ils ont aussitôt répandu les nouvelles de ce qu’ils avaient vu.

— Qu’est-ce qu’ils avaient vu ? demandèrent les femmes dont la curiosité était vivement excitée ; vous nous impatientez, Mathilde, avec votre longue histoire.

— Vous ne me croirez pas !

— Je croirai tout, dit l’une.

— Je ne croirai rien, dit une autre.

— Ne vous occupez pas de ce que nous croirons. Dites-nous seulement ce que c’est, dit une troisième.

— Eh bien ! ils ont dit à Pierriche que ces Bastonnais sont des hommes terribles, grands et forts. Ils ne souffrent ni du froid, ni de la chaleur. Rien ne peut leur faire de mal, ni la poudre, ni les balles.

— Et pourquoi pas ?

— Parce que…

— Ici, la jolie ménagère s’arrêta brusquement, et avec un regard mêlé de surprise et de crainte, elle montra du doigt la rivière. Ses compagnes se retournèrent et virent un léger canot d’écorce venant de la rive opposée et dirigé vers le milieu du courant. Trois hommes le montaient.

— Là ! dit Mathilde, juste ce qu’a dit Pierriche. Regardez-les. Voyez surtout cet homme de haute taille assis à l’arrière. Le canot approche très vite. Tenez ! il lève son chapeau et nous salue.

— Quel bel homme ! dit Marguerite.

— Oui, mais regardez son vêtement et celui de ses compagnons, s’écrièrent les autres.

— Juste ce qu’a dit Pierriche, répéta la première.

— Ce sont des diables, et non des hommes, s’écria une seconde.

— Juste ce que Pierriche a dit. Ils sont vêtus de tôle !

— Oui, c’est vrai, des hommes de tôle !

Et les femmes affolées, laissant leur linge sur la jetée, s’enfuirent précipitamment et remontèrent le talus de la rive.

Le canot décrivit un immense demi-cercle dans le fleuve et le jeune homme assis à l’arrière étudia la rive nord à l’aide d’une lunette de campagne. C’était Cary Singleton, officier des carabiniers de Morgan, l’un des chefs de corps de l’armée d’Arnold. Il avait été envoyé en reconnaissance.