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les bastonnais

fait d’armes surpasserait celui de Wolfe. La prise de Montréal suffirait à la gloire de Montgomery ; celle de Québec appartenait, de droit, à Benedict Arnold. S’il y avait des risques, il y avait aussi des chances. L’armée régulière anglaise était au loin ; les murailles n’étaient gardées que par une milice inexpérimentée. Le lieutenant-gouverneur Cramahé n’était pas un soldat. Les habitants français de la ville étaient au moins apathiques. Un grand nombre de résidents anglais étaient, à n’en pas douter, amis de la cause continentale.

Oui, Arnold devait traverser le fleuve et sans tarder. Dans l’après-midi même de son arrivée, il donna instruction à Morgan, commandant des carabiniers, de préparer un certain nombre de canots, sans délai. Avec l’aide de quelques Sauvages qui rôdaient autour du camp, en quête d’eau de feu et d’autre butin, une escouade de carabiniers, sous le commandement de Cary Singleton se rendit dans les bois longeant la rivière et se mit à dépouiller de leur écorce les plus vieux et les plus gros bouleaux.

L’automne n’est pas si favorable que le printemps à cette opération et à la préparation de l’écorce de bouleau ; mais le résultat est tout de même assez satisfaisant, pourvu que la gelée n’ait pas pénétré trop avant dans le cœur de l’arbre.

L’érable et le bouleau sont les rois des forêts canadiennes. Ces deux arbres hauts, forts et résistants sont comme les deux colonnes qui conviennent le mieux à l’entrée du climat boréal. Comme combustible, ils sont au premier rang des bois durs sur le marché et chacun d’eux a ses avantages spéciaux.

L’érable est un peu plus apprécié pour ses propriétés calorifiques ; le bouleau, de son côté, est plus précieux pour sa cendre. La cendre de bouleau est belle, blanche comme la neige et douce au toucher, comme de la farine. La feuille d’érable et l’écorce de bouleau sont des emblèmes nationaux au Canada, et il est juste qu’il en soit ainsi, car ces deux arbres sont liés à l’histoire du pays et participent largement à ses conforts domestiques. Les annales de la Nouvelle-France peuvent être comparées à un album de feuilles d’érable relié dans un rouleau d’écorce de bouleau et un auteur québecquois contemporain a adopté cette idée pour titre de l’un de ses ouvrages. Les fortes solives des maisons canadiennes sont taillées dans des troncs de bouleau et elles sont aussi solides, sinon aussi parfumées, que les cèdres du Liban. L’ameublement des maisons canadiennes est fait d’érable piqué, qui peut recevoir le poli le plus velouté et qui est d’autant plus beau qu’il revêt une plus grande variété de nuances et de dessins naturels, que le noyer ou l’acajou.