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les bastonnais

Chaque saison de l’année ramène ses amusements particuliers, et ce peuple aux habitudes primitives se livre à ces amusements avec une régularité religieuse. Il y a la fenaison, en été, quand, sous le ciel brûlant et au milieu des fortes senteurs des plus robustes fleurs des champs, on traîne le gros chariot du champ à l’ombre du bois voisin et que, tout autour, les travailleurs chantent et se réjouissent de l’abondante moisson d’herbe parfumée qui engraissera le bétail durant les longs mois d’hiver rigoureux où la campagne sera couverte de neige. Les jeunes hommes s’appuient sur leurs faux qui brillent comme des sabres turcs, et sous leurs chapeaux de paille à larges bords, les demoiselles de la ville sourient pendant qu’elles tressent des guirlandes de fleurs brillantes pour attacher la dernière et la plus grosse botte.

En automne, c’est le temps de la moisson avec ses cérémonies traditionnelles de nature religieuse ou sociale. Le grenier est décoré jusqu’au toit de guirlandes de verdure odorante et le sol de la grange est déblayé pour y laisser danser les pieds fatigués qui, si longtemps, ont travaillé dans le petit champ de cinq arpents. Sous le croissant de la lune, pendant ces douces soirées de septembre, on voit se répéter les vieilles superstitions des druides saxons, pendant que mainte belle Norma, couronnée de verveine et de guy, une brillante faucille à la main et les yeux remplis de la lumière prophétique de l’amour, règne en souveraine sur les cœurs honnêtes et aimants des jeunes paysans qui déposent à ses pieds les plus belles herbes des collines. Et l’humble Ruth est là aussi, avec sa douce et patiente figure et son regard timide tombant sur le généreux Booz qui lui a permis de glaner ses épis dorés.

L’hiver a également ses réjouissances et ses fêtes. En nul autre endroit des climats arctiques, elles ne sont mieux célébrées par des personnes de tout âge et de tout sexe. On se livre, autour du foyer, à d’innombrables jeux et passe-temps. La joie la plus franche et la plus expansive chasse l’ennui des longues soirées d’hiver. On conte des histoires, on chante des chansons, on joue des tours. On danse dans les salles illuminées, on se conte fleurette dans les coins sombres, et pour couronner ces fêtes, il y a la course en traîneau au clair de la froide lune, aux sons des grelots, à la cadence des sabots des chevaux, aux cris des charretiers, et au sifflement aigu de la bise du nord, toutes choses qui animent et réjouissent les esprits des jeunes promeneurs comme autant de gorgées d’un vin capiteux.

Au Canada, toutes ces agréables cérémonies rurales des vieux