Page:Lettres d’un habitant des Landes, Frédéric Bastiat.djvu/42

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fait sur les bords de la Seine, la nature est plus nature sur ceux de l’Adour. Il me serait impossible de vous dire l’impression que j’ai éprouvée en revoyant ces longues avenues de vieux chènes, cette maison aux appartements immenses, qui n’ont de meubles que les souvenirs, ces paysans aux vêtements de couleur tranchée, parlant une langue naïve que je ne puis m’empêcher d’associer avec la vie des champs ; car il me semble toujours qu’un homme en blouse et en casquette, parlant français, n’est pas paysan pour de bon ; et puis ces rapports bienveillants de propriétaire à métayer me paraissent, par l’habitude, une autre condition indispensable pour constituer la vraie campagne. Quel ciel ! quelles nuits ! quelles ténèbres ! quel silence, interrompu seulement par l’aboiement lointain des chiens qui se répondent, ou par la note vibrante et prolongée que projette dans l’espace la voix mélancolique de quelque bouvier attardé ! Ces scènes parlent plus au cœur qu’aux yeux.

Mais me voici de retour au village. Le village ! c’est devenu un degré vers Paris. On y lit la gazette. On y dispute, selon le temps, sur Taïti, ou Saint-Jean d’Acre, sur Rome