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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

lesquels on s’escrime, la vie est monotone aux ruraux. Les plus huppés ont la ressource des grands cabarets de Saint-Germain, dont la terrasse aux jeunes verdures est devenue un Longchamps de femmes du monde, d’artistes, d’actrices et aussi des belles filles et des journalistes qui ont transporté leur industrie en Seine-et-Oise. Pas un gazetier qui n’ait été condamné à mort, comme Louis Blanc, par le Comité Central, la Commune ou des conseils de guerre dont il nomme le président ; pas un qui n’ait d’authentiques détails sur les séances les plus secrètes de l’Hôtel-de-Ville, les assassinats, les vols, les pillages et fusillades de Paris. D’après les monarchistes, la Commune est inspirée par Hugelmann, bonapartiste notoire, le Comité Central présidé par le général Fleury et les barricades sont construites sous la direction des généraux prussiens[1]. C’est Gambetta, disent les bonapartistes qui, par son ami Ranc, inspire ces communards dont l’infâme obstination a élevé à cinq milliards les exigences de Bismarck et qui osent demander la mise en jugement de Bazaine. Les ruraux gobent tout ; Schœlcher est un phénomène pour être sorti de cet enfer que décrit le Journal officiel : « un lieu pestiféré dont chacun cherche à s’enfuir. Les malheureux qui ne peuvent s’échapper sont réduits à invoquer l’appui des puissances neutres… comme dans ces pays lointains de l’Orient où il faut des capitulations pour préserver les Européens contre les atrocités des indigènes. » C’est cela ! grince un poéticule prudhomme qui a lâché mère, sœur, maîtresse par venette pure et mêle son mirliton au concert rural. La basse est un ruminant de normale qui torche des catilinaires. Le gros Francisque Sarcey écrit plat, voit rouge et fait son Breteuil : « Dût-on noyer cette insurrection dans le sang, dût-on l’ensevelir sous les ruines de la ville en feu, il n’y a pas de compromis possible[2]. Si l’échafaud vient à être supprimé, il ne faudra le garder que pour les faiseurs de barricades. » Les communards le réconcilient avec les

  1. Le Soir.
  2. Le Drapeau tricolore, brochure hebdomadaire.