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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

ques centaines au plus, » répondit le délégué. Wroblewski ne pouvait accepter aucune responsabilité de commandement dans des conditions si inégales et il continua la lutte comme simple soldat. C’est, avec Dombrowski, le seul général de la Commune qui ait montré les qualités d’un chef de corps. Il demandait toujours qu’on lui envoyât les bataillons dont personne ne voulait, se faisant fort de les utiliser.

L’attaque se rapproche de plus en plus du Château-d’Eau. Cette place[1] aménagée par l’Empire pour arrêter les faubourgs et qui rayonne sur huit larges avenues, n’a pas été véritablement fortifiée. Les Versaillais, maîtres des Folies-Dramatiques et de la rue du Château-d’Eau, l’attaquent en tournant la caserne. Maison par maison, ils arrachent la rue Magnan aux pupilles de la Commune. Brunel, ayant fait face à l’ennemi pendant quatre jours, tombe, la cuisse traversée. Les pupilles l’emportent sur un brancard, à travers la place du Château-d’Eau.

De la rue Magnan, les Versaillais sont vite dans la caserne. Les fédérés, trop peu nombreux pour défendre ce vaste monument, doivent l’évacuer. La chute de cette position découvre la rue Turbigo. Les Versaillais peuvent dès lors se répandre dans tout le haut du IIIe et cerner le Conservatoire des Arts-et-Métiers. Après une assez longue lutte, les fédérés abandonnent la barricade du Conservatoire, laissant une mitrailleuse chargée. Une femme aussi reste, et quand les soldats sont à portée, décharge la mitraille.

Les barricades du boulevard Voltaire et du Théàtre-Déjazet supportent désormais les feux de la caserne du Prince-Eugène, du boulevard Magenta, du boulevard Saint-Martin, de la rue du Temple et de la rue Turbigo. Derrière leurs fragiles abris, les fédérés reçoivent vaillamment cette avalanche. Que de gens l’histoire a consacrés héros qui n’ont jamais montré la centième partie de ce courage simple, sans effet de théâtre, sans témoins, qui surgit en mille endroits pen-

  1. Aujourd’hui place de la République.