Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/128

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

brume olivâtre qui les efface et les dévoile tour à tour. Par cette porte merveilleuse, il faisait entrer dans un monde où tout est miracle charmant, surprise folle, songe réalisé ! Mais, il fallait être des initiés pour savoir comment on en franchit le seuil !

Chopin se réfugiait et se complaisait volontiers en ces régions imaginées, où il n’emmenait que de rares amis. Il professait de les estimer, et les prisait effectivement, plus que celles des rudes champs de bataille de l’art musical, où l’on tombe quelquefois aux mains d’un vainqueur improvisé, conquérant stupide et fanfaron, qui n’a qu’un jour, mais auquel un jour suffit pour faucher un parterre de lys et d’asphodèles, pour intercepter l’entrée du bois sacré d’Apollon ! Pendant ce jour, le « soldat heureux » se sent bien l’égal des rois ; mais seulement des rois de la terre, ce qui est trop peu vraiment pour l’imagination qui hante les divinités des airs et les esprits peuplant les cîmes.

Sur ce terrain d’ailleurs, l’on est à la merci des caprices d’une Mode de boutiques, de réclames, d’annonces, de camaraderies, Mode équivoque et de naissance douteuse. Or, si la Mode bien née, la Mode personne de qualité, est toujours une sotte déesse, que doit-ce être d’une Mode sans parens avouables ! Les natures d’artiste finement trempées, éprouveraient sûrement une répugnance bien naturelle à se mesurer corps à corps avec un de ces Hercule de foire, déguisé en prince de l’art, qui guettent le virtuose de race sur son