Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/133

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aperçu un jour sur les affiches des murs de Teschen par l’Impératrice de Russie, la fit sourire en s’écriant : « Comment ! Une si grande réputation dans un si petit endroit ! » Néanmoins, la santé de Chopin ne l’eut point empêché de se faire plus souvent entendre là, où il se trouvait ; sa constitution délicate était donc moins une raison, qu’un prétexte d’abstention, pour éviter d’être mis et remis en question.

Pourquoi ne pas l’avouer ? Si Chopin souffrait de ne point prendre part à ces joùtes publiques et solennelles, où l’acclamation populaire salue le triomphateur ; s’il se sentait déprimé en s’en voyant exclu, c’est qu’il ne comptait pas assez sur ce qu’il avait, pour se passer gaiement de ce qu’il n’avait pas. Quoiqu’effarouché par le « grand public », il voyait bien que celui-ci, en prenant au sérieux son propre verdict, forçait aussi les autres à le prendre pour tel ; tandis que le « petit public », le monde des salons, est un juge qui commence par ne pas se reconnaître d’autorité à lui-même : qui aujourd’hui encense, demain renie ses dieux. Il a peur des excentricités du génie, il recule devant les hardiesses d’une grande supériorité, d’une grande individualité, d’une grande âme, d’un grand esprit, ne se sentant pas assez sûr de lui-même pour reconnaître celles qui sont justifiées par les exigences intérieures d’une inspiration qui cherche sa voie, en repoussant sans hésitation celles qui ne correspondent qu’à de petites passions, n’ayant rien d’exceptionnel ; à des « poses » d’un but fort