Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/135

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afin d’être à mème de préjuger avec quelque divination des promesses que les jeunes hommes apportent et des qualités qui leur permettront de les réaliser, le monde des salons ne soutient avec constance, pour mieux dire, il ne protège avec obstination, que les médiocrités adulatrices, dont il n’a à redouter aucune nouveauté embarassante, [keine Genialitàt) ; qui se laissent traiter de haut en bas et que l’on maltraite à son aise, n’ayant jamais à en craindre ni un défaut gênant, ni un lustre ineffaçable !

Ce « petit public » tant vanté peut bien mettre au jour une vogue ; mais cette vogue, d’un prestige enivrant si l’on veut, n’a pas plus de réalité qu’une heure d’ivresse charmante, produite par le vin mousseux qu’on extrait, dans le pays de Cachemire, des pétales de roses et d’œillets légèrement fermentées. Cette vogue est une chose éphémère, chétive, sans consistance, sans vie réelle, toujours prête à s’évaporer, parcequ’elle ignore sa raison d’être et souvent n’en a aucune à donner. Pendant que le gros public, qui ignore souvent aussi pourquoi et comment il s’est senti saisi, frémissant, électrisé, « empoigné » dit le plébéien ravi, renferme du moins ces « gens du métier » qui savent ce qu’ils disent et pourquoi ils le disent, — tant que la tarantule de l’envie ne les a point piqués et ne leur fait point cracher à chaque discours, comme à la fée malfaisante des contes de Perrault, les vipères et les crapauds du mensonge, au lieu des perles fines et des fleurs odorantes de la vérité,