Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/164

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de ces suppositions et à se livrer tout entier à l’impression qui les faisait naître, par l’attrait qu’éprouvent quelques grands talens pour ceux qui leur font contraste ?…

D’entre nous, celui qui paraissait le plus près de la tombe, le vieux Niemcevicz, écoutait avec une gravité morne, un silence et une immobilité marmoréennes, ses propres Chant* historiques, que Chopin transformait en dramatiques exécutions pour ce survivant des temps qui n’étaient plus. Sous les textes si populaires du barde polonais, on retrouvait le choc des armes, le chant des vainqueurs, les hymnes de fêtes, les complaintes des illustres prisonniers, les ballades sur les héros morts !.. Ils remémoraient ensemble cette longue suite de gloires, de victoires, de rois, de reines, de hetmans… et le v ieillard, prenant le présent pour une illusion, les croyait ressuscités, tant ces fantômes avaient de vie en apparaissant au dessus du clavier de Chopin ! — Séparé de tous les autres, sombre et muet, Mickiewicz dessinait sa silhouette inflexible. Dante du Nord, il paraissait toujours trouver— « amer le sel de l’étranger et son escalier dur à monter… » Chopin avait beau lui parler de Grazyna et de Wallenrod, ce Conrad demeurait comme sourd à ces beaux accens ; sa présence seule témoignait qu’il les comprenait. Il lui semblait, à juste titre, que nul n’avait droit d’en exiger plus de lui !.. Enfoncée dans un fauteuil, accoudée sur la console, Mme Sand était curieusement attentive, gracieusement