Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/165

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subjuguée. Elle donnait à cette audition toute la réverbération de son génie ardent, qu’elle croyait doué de la rare faculté réservée à quelques élus, d’apercevoir le beau sous toutes les formes de l’Art et de la Nature. Ne pourrait-elle pas être cette seconde vue, dont toutes les nations ont reconnu chez les femmes inspirées les dons supérieurs ? Magie du regard qui fait tomber devant elles l’écorce, la larvé, l’enveloppe grossière du contour, pour leur faire contempler dans son essence invisible l’âme du poète qui s’y est incarnée, l’idéal que l’artiste a conjuré sous le torrent des notes ou les voiles du coloris, sous les inflexions du marbre ou les alignemens de la pierre, sous les rhythmes mystérieux des strophes ou les furieuses interjections du drame ! Cette faculté n’est que vaguement ressentie par la plupart de celles qui en sont douées ; sa manifestation suprême se révéle dans une sorte d’oracle divinatoire, conscient du passé, prophétique de l’avenir ! De beaucoup moins commune qu’on ne se plaît à le supposer, elle dispense les organisations étranges qu’elle illumine du lourd bagage d’expressions techniques, avec lequel on roule pesamment vers les régions esotériques qu’elles atteignent de prime-saut. Cette faculté prend son essor, bien moins dans l’étude des arcanes de la science qui analyse, que dans une frequente familiarité avec les merveilleuses synthèses de la nature et de l’art.

C’est dans l’accoutumance de ces tête-à-tête avec la création qui font l’attrait et la grandeur de la vie de