Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/260

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’haleine, glacé le sang, dans l’espoir d’en grandir et d’en éterniser la beauté. En face de la nature ainsi changée en œuvre d’art, au lieu de sentir à l’admiration se surajouter l’amour, on est attristé de comprendre comment l’amour peut se transformer en admiration !

Brune et olivâtre Lélia ! tu as promené tes pas dans les lieux solitaires, sombre comme Lara, déchirée comme Manfred, rebelle comme Caïn, mais plus farouche, plus impitoyable, plus inconsolable qu’eux, car il ne s’est pas trouvé un cœur d’homme assez féminin pour t’aimer comme ils ont été aimés, pour payer à tes charmes virils le tribut d’une soumission confiante et aveugle, d’un dévouement muet et ardent ; pour laisser protéger ses obéissances par ta force d’amazone ! Femme-héros, tu as été vaillante et avide de combats comme ces guerrières, comme elles tu n’as pas craint de laisser hâler par tous les soleils et tous les autans la finesse satinée de ton mâle visage, d’endurcir à la fatigue tes membres plus souples que forts, de leur enlever ainsi la puissance de leur faiblesse. Comme elles, il t’a fallu recouvrir d’une cuirasse qui l’a blessé et ensanglanté, ce sein de femme, charmant comme la vie, discret comme la tombe, adoré de l’homme lorsque son cœur en est le seul et l’impénétrable bouclier !

Après avoir émoussé son ciseau à polir cette figure dont la hauteur, le dédain, le regard angoissé et