Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 32 —

cutée au commencement de ce siècle encore. On comprend à quel point elle doit leur sembler devenue fade, en songeant que la plupart des danses nationales ne peuvent guère conserver leur originalité primitive, dès que le costume qui y était approprié n’est plus en usage. La Polonaise surtout, si absolument dénuée de mouvemens rapides, de pas véritables dans le sens chorégraphique du mot, de poses difficiles et uniformes ; la Polonaise, inventée bien plus pour déployer l’ostentation que la séduction, fut, par une exception caractéristique, surtout destinée à faire remarquer les hommes, à mettre en évidence leur beauté, leur bel air, leur contenance guerrière et courtoise à la fois. (Ces deux épithètes ne définissent elles pas le caractère polonais ?..) Le nom même de la danse est du genre masculin dans l’original. (Polski.) Ce n’est que par un mal-entendu évident qu’on l’a traduit au féminin. Elle dût forcément perdre de sa suffisance quelque peu ampoulée, de sa signification orgueilleuse, pour se changer en une promenade circulaire peu intéressante, sitôt que les hommes furent privés des accessoires nécessaires pour que leurs gestes vinssent animer par leur jeu et leur pantomime, sa formule si simple, rendue aujourd’hui décidément monotone.

En écoutant quelques-unes des Polonaises de Chopin on croit entendre la démarche plus que ferme, pesante, d’hommes affrontant avec l’audace de la vaillance tout ce que le sort pourrait avoir de plus glorieux ou