Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/81

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blanche et rose, jusqu’à celle dont les éblouissantes murailles sont d’un stuc sulphuréen, les parquets d’acajou et débène, les lustres étincellans de mille bougies !

Ici, un rien peut rapprocher étroitement ceux qui la veille étaient étrangers, tout comme l’épreuve d’une minute ou d’un mot y sépare des cœurs longtemps unis. Les confiances soudaines y sont forcées et d’incurables défiances entretenues en secret. Selon le mot d’une femme spirituelle : « on y joue souvent la comédie, pour éviter la tragédie ». On aime à y faire entendçe ce qu’on tient à n’avoir pas prononcé. Les généralités servent à acérer l’interrogation, en la dissimulant ; elles font écouter les plus évasives réponses, comme on écouterait le son rendu par un objet pour en reconnaître le métal. Tous ces cœurs si sûrs d’eux-mêmes ne cessent de s’interroger, de se sonder, de se mettre à l’épreuve. Chaque jeune homme veut savoir s’il y a entre lui et celle qu’il fait dame de ses pensées pendant une soirée ou deux, communauté d’amour pour la patrie, communauté d’horreur pour le vainqueur. Chaque femme avant d’accorder ses préférences d’un soir à qui la regarde avec une ardeur si tendre et une douceur si passionnée, veut savoir s’il est homme à braver la confiscation, l’exil forcé ou l’exil volontaire, (non moins amer souvent), la caserne du soldat à perpétuité sur les rives de la Caspienne ou dans les montagnes du Caucase !..